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27 décembre 2017

La beauté, toujours la beauté


Call Me By Your Name

Je ne sais pas si parmi vousquelqu'un aura lu le roman d'André Aciman paru en 2007 aux États-Unis puis en Italie et enfin en France (sous le titre Plus tard ou jamais. Ce roman que je découvris d'abord dans la petite librairie du village où vivent mes parents dans le bordelais puis que j'ai relu quelques années plus tard dans sa version originale m'a fait un effet incroyable dès les premières pages de ma première lecture. Très proustien, très beau, parfois très direct, il m'avait bouleversé à l'époque. 

C'était l'été et notre mode de vie dans la vieille propriété familiale ressemble beaucoup à celle d'Elio, le héros du livre, et de sa famille. Le Médoc n'est pas la Toscane, loin s'en faut, mais les chaleurs estivales, le mode de vie au ralenti et cette lumière, cette chaleur, la proximité de la mer, tout me rapprochait du livre. Et quelle émotion à suivre l'avancé de la relation entre Elio et Oliver, le jeune professeur de Columbia invité par son père pour l'été. Mais lisez-donc le livre si vous ne l'avez pas encore fait et ^patientes encore, lecteurs d'Europe, le film ne sort de l'autre côté de l'océan qu'en février ou en marc. Il faut le voir sur grand écran comme il faut aussi oublier la densité du livre et la force des mots. Si le scénario du film a été écrit par James Ivory, le film ne peut traduire toutes les finesses, les coins et les recoins du livre. Mais ce film qui a déjà remporté un franc succès partout sur le continent américain, va faire des ravages en Europe. Les acteurs sont parfaits, splendides, vrais, plausibles. Un très bon film.


Il y a dans le livre une scène torride, d'un érotisme gentil cependant et décrite avec beaucoup de délicatesse par l'auteur. Une scène ou Elio, sexuellement repu après sa nuit d'amour avec Oliver, puis avec la jeune Marzia, seul dans sa chambre à l'heure la plus chaude d'un mois d'août de la campagne italienne, joue - sexuellement - avec une des pêches du verger. Nu sur son lit, il bande en pensant à ce qu'il vient de vivre, en pensant à celui qu'il aime et il presse la pêche à moitié ouverte sur son sexe, il se prend au jeu et finit par jouir sur le fruit puis, le fruit reposé sur la table de chevet, il s'endort jusqu'au retour d'Oliver plein de désir... Lisez le livre ou allez voir le film, je ne vais pas spoiler la scène.

La beauté n'est jamais vaine

"Shepherd boy, do you see the wild fennel bulbs I gathered for you
olallieberries, new-mown grass, the tender fruits of   the coastal fig? 
D.A. Powell


Doté par la Nature d'un corps parfait qu'une santé solide lui permet de développer chaque jour davantage, Alexis fait les délices de son ami. Il sait combien on le regarde et cela longtemps l'a gêné. Il est fier de sa force et fier aussi de tourner la tête à czlui qui l'aime. Parfois aussi la fille qu'il étreint se pâme dans ses bras. Il n'en tire aucune gloire. Car il sait, cet enfant béni des dieux qu'il atteindra bientôt l'âge où tout s'inverse et où on ne le regardera plus. Il court, il nage, il s'entraîne mais jamais ne se contemple. Il a peur de prétendre et de perdre l'amour du bien-aimé.


Corydon lui renifle de dépit. Alexis ne le voit pas. Petit, râblé, la peau tannée par les journées passées sous le soleil à garder les troupeaux de son maître. Il a les épaules étroites et depuis le bas des cuisses jusqu'à ses épaules un duvet pareil à celui de ses moutons pousse sur sa peau brunie. Il veut ressembler à Alexis pour qu'Alexis un jour en le regardant pense se voir lui-même. il s'illusionne, il vourt aussi et il nage mais son corps n'a pas été façonné par les dieux pour l'amour. Seulement pour le dépit. Pauvre Corydon, il fait fausse route. Rasé, nu comme un ver il se présente au gymnase. Les autres garçons rient de lui. Un sac d'os et du ventre et par dessus tout, un sexe trop rouge d'être sollicité pour des rêves pollués... 


Non loin de là, le jeune Daphnis dont on a brisé l'arc et les flèches et brisé le cœur aussi en le laissant sur le chemin de la fête parce que trop jeune. Pourtant Ménalque ne l'a pas bien regardé encore. Que cet enfant est beau et que l'intelligence fait luire son regard. Il aura bientôt la force d'Alexis et le savoir du maître. Il sera le jeune amant tranquille, il aimera beaucoup, il aimera longtemps et sera le plus fort, le plus grand, le plus brillant. Il changera de nom un jour et sera dans la mémoire des hommes longtemps sous le très splendide patronyme d'Alcibiade le doux. Regardez combien déjà sa modestie irradie en majesté... Promesses, promesses. celles de l'aube, celles du printemps, celles de la beauté des dieux. Il en approche l'âge car à la fin de la prochaine lune, il aura dix sept ans...