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19 juillet 2019

Eros indigène

Jeune éphèbe cinghalais se faisant tatouer
Ô beauté ! Comment donc m’as-tu fait ton esclave ?
Par quelle aube d’amour, par quel soir, par quels sorts
Ai-je été lanciné d’une émotion grave,
Et condamné, depuis, à souffrir de l’entrave
D’un beau visage ou d’un beau corps ? 
 

04 juillet 2019

L'été, la plage, les garçons



Il était temps. Je n'en pouvais plus. La ville, sa pollution, ses bruits, cette rumeur permanente et toujours courir, toujours se presser... Quelques jours à Montauk, notre plage favorite puis départ avec chien, chat, livres et mes cousins de Nantes dans la maison des parents de David à Barnstable. Ses soeurs et son frère nous rejoindront. Puis ce sera j'espère un séjour en Europe, à Londres d'abord chez Fred et puis à Bordeaux, dans ma famille pour le temps des vendanges. Six longues semaines puis deux semaines de nouveau ici avant de reprendre mes activités. Le bonheur ce matin, aussitôt les valises posées, de marcher sur la plage jusqu'au phare, de regarder les surfeurs, très jeunes, très beaux. Faire courir le vieux chien le long de la mer. 


Hier soir, nous avons revu le très émouvant A Single Man, excellent film de Tom Ford d'après Christopher Isherwood, avec cet acteur anglais que j'aime beaucoup et que j'aimerai rencontrer, Colin Firth. Plaise au ciel que nous ne soyons jamais confrontés aux mêmes affres que le héros. La solitude qui suit la mort inopinée de l'être cher. Nicholas Hoult y est charmant, à l’ambiguïté bien attirante. Un film très fidèle à l'esprit du livre découvert dans mon adolescence. Je me demande de plus en plus souvent si j'ai vraiment quitté cette période de ma vie qui fut très heureuse, ou plutôt joyeuse et paisible à la fois. Ne fais-je pas semblant depuis ? J'ai souvent un moment de surprise quand je me vois dans une glace. L'impression de croiser un étranger, un homme en chemin vers la maturité et ce qui suit, la décrépitude de l'âge, mais pas de me voir moi... 


Narcisse puni qui découvre ce qu'il fut et qu'il imagine être encore que le temps ratatine inexorablement. L'amour que me porte..., les regards de jeunes hommes et d'hommes plus âgés que je croise, tout cela me console du temps qui passe. Mais viendra bien un jour où je ne serai plus désirable, où plus personne ne verra autre chose qu'un homme, mûr et décati. Si plus tard je me retrouvais seul alors, sans David, il me faudrait payer un garçon pour dormir dans mon lit et partager mes jours. Sans fortune ni célébrité, personne ne viendrait spontanément partager mes jours et mes nuits. J'ai donc de la chance. La chance d'avoir dans ma vie un garçon plus jeune, attaché, tendre, aimant, fidèle, drôle, intelligent, viril qui n'est ni mon petit frère, ni mon fils, ni mon filleul, ni mon gigolo, ni rien de pervers ou de forcé. Plus qu'un amant, un petit frère parfois oui, un ami, un compagnon, un partenaire, un garçon. Celui que j'aime et qui partage ma vie depuis des années maintenant. Grande émotion à chaque fois que j'évoque cette joie, ce bonheur !


Cela ne m'empêche pas de rester sensible à la beauté des garçons. Les hommes de mon âge et ceux plus âgés ne m'attirent vraiment pas. Ils ne m'ont jamais attiré. J'aime la jeunesse d'Amour, l'âge des dieux, la fraîcheur, la force et la vigueur de leurs corps en formation. Merveilleux work in progress, leur sensibilité exacerbée, leurs besoins, leurs fringales, leurs fragilités... Cette attirance est bien plus du domaine de la contemplation que de la gourmandise. Je ne trompe jamais celui que j'aime et avec qui je vis. Nous regardons ensemble parfois, nous admirons, nous comparons. Mais jamais il ne nous viendra à l'idée de convier un garçon dans notre lit.

C'est arrivé. plusieurs fois. Satisfaction des sens mais rien de plus et dans des circonstances toujours très particulières. Rarement. Comme un autre nous-même convié un soir en passant. Quand le désir est plus fort et la beauté du jeune dieu offerte et ensorcelante.  Jamais des garçons de passage, des grindr guys. Mais je n'écris pas cela pour me faire mousser ou paraître au-dessus de la mêlée. Je sais, tout comme David, faire la part des choses : il y a la Beauté des jeunes mâles, leur allure, leur animalité, une esthétique particulière, éphémère et charmante, comme un chef-d’œuvre qu'on admire dans la vitrine d'un musée ou une pièce rare chez un antiquaire.

La France parfois me manque en été. Nostalgie de mon enfance sur les plages du Pays Basque ou des Abattilles, sur le Bassin d'Arcachon. Celles aussi du Médoc où j'ai vécu mes premières amours non chastes... Nostalgie qui m'est venue avec une bouteille, la dernière, d'un vin blanc merveilleux produit en 1974 (!) par Louis Latour et quelques épisodes de la série Euphoria qui m'ont un peu agacé mais où les garçons sont bien jolis comme aurait dit Gide à Cocteau.