Pages

28 août 2014

Animula vagula blandula: Quand la rentrée approche

Animula vagula blandula: Quand la rentrée approche: Quand la rentrée approche, les garçons se rhabillent et retrouvent un autre charme. Ici à New York, la lumière si particulière de l'...

C'est vrai que tu me trouves beau ?


Pourquoi Ben a-t-il posé cette question ce matin dans la cuisine ? Plus sûr de lui depuis quelques temps, il apparait régulièrement pour le petit-déjeuner en caleçon. Voir un garçon à l'aise dans son corps est un bonheur. La pratique du sport, la promiscuité des vestiaires et les protéines de la nourriture américaine (avec une part de génétique aussi) rendent ce passage plus facile ici. Bien plus facile qu'en France où on n'ose pas, où on cache longtemps son corps. Pourquoi ? Parce qu'il cherche encore à se définir et entre sa petite amie et son meilleur copain, il n'a pas de choix à faire. Nous sommes persuadés qu'il n'est plus puceau et cela aussi fait avancer les choses. après sa vie intime, tant qu'elle ne l'ébranle pas, ne regarde ni son frère ni moi. En tout cas, le voir débarquer le matin, un sourire géant aux lèvres et beau comme un demi-dieu est un régal qui plait à l'Empereur !

Quand la rentrée approche


Quand la rentrée approche, les garçons se rhabillent et retrouvent un autre charme. Ici à New York, la lumière si particulière de l'automne, appelé en anglais, the fall, ce joli mot qui m'a toujours fait rêvé,les rend très attirants, très beaux. je passais il y a quelques minutes dans une rue voisine de notre immeuble où un chantier de rénovation bat son plein. Autour d'un camion qui déversait du sable pour la fabrication du concrete (pour le non anglophones, nom anglais du béton), se tenait un groupe d'ouvriers. Parmi eux un très jeune homme dont je n'avais aperçu, entre deux grillages obturés par des bâches, qu'une épaule et un bras joliment dessinés sous une peau hâlée. Mes sens éveillés par la promesse d'un corps splendide me poussèrent à approcher. le camion avait fini de déverser sa cargaison. Il avançait lentement, au son de ces alarmes stridentes et répétitives qui m'ont fait détester l'infâme Bip-bip des dessins-animés, montrant le devant de l'immeuble en chantier. le garçon était là, en face de moi, seulement vêtu d'un pantalon de chantier et de grosses chaussures. Son torse s'offrait à mon regard. 


Admirable réussite de la nature, des épaules larges et rondes, un thorax large et une musculature naturelle, née certainement des travaux de force que le garçon devait faire dans son métier bien plus que par de la gonflette forcée dans des salles de sport pour gogos comme il y en a tant ici. Il devait avoir dix sept ou dix-huit ans. A peine. Brun, très bronzé, de type méditerranéen, davantage sémite qu'italien. Un visage d'une beauté simple, naturelle sous des cheveux bouclés. La perfection. Une statue antique. Hadrianus était comblé l'espace d'un instant. Joli cadeau de ce matin de presque fin d'été. Savait-il quand il se rendit compte que je le regardais (je n'étais pas le seul à l'avoir remarqué, le promeneur de chiens du quartier, qui n'a pas seize ans, ne m'a pas semblé insensible à son charme et à sa grâce...), il le va un peu les sourcils, comme pour marquer de l'étonnement. 


Peut-être se demandait-il encore pourquoi il était ainsi souvent l'objet de regards admiratifs ou de convoitise. Non, lecteur, je ne convoitais rien. j'admirais et mes sens se repaissaient de l'admirable beauté, cadeau des dieux, présage d'une journée heureuse aurait-dit Eumolpe, le prêtre devin du temple de Cyrène qu'avec la cour, Hadrianus plusieurs fois vint consulter et qu'ils trouvèrent à chaque fois, entouré d'un ou deux jeunes éphèbes divinement beaux et tendrement virils.

Mais revenons-en à la beauté des garçons habillés ceux-là que nous évoquions plus haut. Le temps des vacances, les activités de l'été ont apaisé et endurci à la fois leur corps. Ils sont le plus souvent bronzés, les cheveux coiffés et portent des vêtements neufs, rentrée oblige dans lesquels on les sent un peu mal à l'aise après l'absence ou le peu de vêtements portés durant les grosses chaleurs. Les chaussettes commencent à réapparaître et les sandales, les tongs laissent peu à peu la place à des chaussures de ville, modernes ou classiques. A New York, on croise de tout, même des gens en slip de bain et torse nu. Cependant, l'élégance naturelle des garçons dont je vous parle est très répandue. Bien davantage qu'à Paris ou à Londres. 

Il est doux alors quand on aime leur corps, leur allure, et tout ce qu'on sait de leur fougue, de leurs désirs et de leur adresse, d'imaginer ce qui se cache derrière ces jolis tissus, ces pantalons et ces chemises joliment coupées, souvent de marques preppy.


24 août 2014

Achille et Patrocle, Philippe et Hervé...


"Toutes les particularités dont Achille se souvenait en pensant à Patrocle: sa pâleur, ses épaules rigides, un rien remontées, ses mains toujours un peu froides, le poids de son corps croulant dans le sommeil avec une densité de pierre acquéraient enfin leur plein sens d'attributs posthumes, comme si Patrocle n'avait été vivant qu'une ébauche de cadavre."
 (Marguerite Yourcenar, Feux)

Je lisais ce matin deux ouvrages très différents mais que j'ai associé dans mon esprit au point de vouloir en parler sur ce blog comme d'une seule et même idée : l'amour et l'attirance physique de deux garçons, jeunes adultes à peine sortis de l'enfance. D'un côté l'aventure amicale mythique du héros Achille et de son alter ego Patrocle, la mort de ce dernier et la douleur d'Achille, dans le roman "The songs of Achille" de Madeline Miller, qui a reçu en 2012 le fameux Orange Prize of Fiction ( publié en français sous le titre "Le Chant d'Achille"). De l'autre la surprenante lecture de "Deux Garçons", de Philippe Mazescaze, un auteur français qui a la particularité ainsi révélée par son livre d'avoir été le premier amant en même temps que le premier amour d'Hervé Guibert du temps de leurs aventures communes à l'école de théâtre de La Rochelle. Philippe avait 17 ans, Hervé à peine 14 ans. Deux beaux récits et l'adjectif est bien mal choisi. Guibert, disparu en 1991 du Sida est selon moi un des écrivains majeurs de la dernière partie du XXe siècle. Il parle dans "Mes parents" de cette période rochelaise où il joua Scipion avec "l'éphèbe transi", son aîné Philippe qui interprétait Caligula.


Deux émouvantes lectures quand on a soi-même vécu des relations d'une telle force, d'une densité aussi bouleversante que ce qui se dévoile au fil des pages de ces deux ouvrages. L'histoire des deux adolescents français qui ressemblent tant à ce que nous étions, ces être si semblables à ceux que nous fûmes et que nous aurions pu croiser au lycée, au théâtre ou dans un café... Le texte de l'américain transporte dans un univers mythique mais qu'elle parvient à rendre proche, familier, alors qu'on sait si peu de la vie quotidienne en Grèce... Ces deux  livres (celui de Miller fait plus de 300 pages) alors que le roman-récit de Philippe Mezescaze n'en fait que 128. Il est élégant ce petit livre avec sa couverture soignée comme en concocte le Mercure de France, l'éditeur, avec un bandeau bleu plus soutenu qui présent la photo des deux protagonistes, splendides et rayonnants visages dévolus naturellement aux amours intenses et fortes. Comme Patrocle avec Achille.

Cela m'a remis en mémoire le poème "We Two Boys Together Clinging", de ce Walt Whitman qui fit vibrer mon adolescence. J'avais dix sept ans quand je découvrais "Leaves of grass", ce livre interdit que cachait un de mes amis, l'un des "prefects", dans son studio dans le collège anglais où mon indiscipline avait fini par me faire reléguer. Il le conservait, caché derrière des livres de versions grecques et latines, et nous en lisions des passages en fumant des Craven, après de doux moments. J'aimais bien le retrouver dans ce petit bureau qui donnait sur le dortoir de notre maison, quand les autres étaient à l'étude ou en promenade... Nous nous aimions comme on sait le faire à cet âge mais ce qui me plaisait avant tout, c'était ce moment magique où nous lisions Whitman à voix haute, et Verlaine et Rimbaud et les Sonnets de Shakespeare. Simon W. était beau. Un buste d'athlète, des yeux très clairs sous des cils de fille et de beaux cheveux roux qu'il ne parvenait jamais à dompter. Avec douceur et beaucoup d'humour britannique (il était gallois en vérité), il fit comme Philippe avec Hervé, m'amenant peu à peu à desserrer la garde et à vivre simplement ces moments d'ardeur juvénile en vivant nos joutes amoureuses comme autant de divins sacrifices aux dieux de la jeunesse et de la beauté.

"We two boys together clinging,One the other never leaving,Up and down the roads going, North and South excursions making,Power enjoying, elbows stretching, fingers clutching,Arm'd and fearless, eating, drinking, sleeping, loving.No law less than ourselves owning, sailing, soldiering, thieving,threatening,Misers, menials, priests alarming, air breathing, water drinking, on the turf or the sea-beach dancing,Cities wrenching, ease scorning, statutes mocking, feebleness chasing,Fulfilling our foray." 

"Nous deux, garçons inséparables, Jamais ne nous quittant, Toujours sur les routes, en randonnées du Nord au Sud, Jouissant de notre vigueur, jouant des coudes, serrant les poings,Armés et sans crainte, mangeant, buvant, dormant, faisant l’amour, Sans autre loi que la nôtre, naviguant, guerroyant, dérobant, menaçant, Inquiétant l’avare, le domestique, le curé, respirant l’air, buvant l’eau, dansant dans les prés ou sur la plage, Arrachant les cités de leur fondement, méprisant la facilité, nous moquant des lois, poursuivant la médiocrité, Jusqu’au bout de notre expédition." 

Have a good sunday