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24 mars 2018

Une correspondance retrouvée...


Retrouvé dans une boite ramenée de France récupérée dans la maison des parents l'été dernier. Des vieilles photos, des cartes postales et quelques paquets de lettres des années 80. Parmi elles, celle-ci qui m'a fait rêver un joli moment Un peu longue, je la transcris telle quelle... :

"Capri, ce 12 septembre 1978

Bien chère Blandine,

Je voulais t'écrire depuis ton départ de Florence mais à ne rien faire on est tellement occupé... Finalement nous sommes restés deux jours encore dans la pensione de la Via Bernardino Ramazinni, captivés comme nous l'étions par cet étonnant personnage qu'on aurait vraiment dit sorti d'un roman. Tu te souviens de ses mystérieuses paroles l'autre soir dans ce bucco où il nous avait royalement traité. Propos énigmatiques, sous-entendus frisant le délétère et cette misogynie exacerbée que Jean trouvait limite, nous avons compris enfin le pourquoi du comment. 

Mais je t'en donnerai les détails quand nous serons rentrés. sache seulement que le bonhomme, poète et violoniste, ancien résistant a vécu en détail une page sombre de l'histoire du Regno d'Italia. Une horrible affaire qui ferait un bien joli film car haine et amour y sont mêlés, s'il l'affaire n'avait pas coûtée la vie à une dizaines de florentins innocents sacrifiés pour l'exemple par les nazis... Nous étions de partir après cette soirée terrifiante. finalement, nous n'avons passé qu'une journée à Naples. Après Venise, après la Toscane, après surtout un voyage fatigant - il a fait terriblement chaud - cette ville bruyante et sale nous a épouvantés. 

C'est à Sorrente que nous nous sommes fixés. Belle ville où j'ai vite pris mes habitudes. Nicolas est parti comme prévu. Disposant dz presque un mois de plus, il voulait découvrir la Grande Grèce avant de reprendre ses bouquins de Droit. Quelle chance il a. Mais, don't worry, ma chère, ma situation n'est pas déplaisante non plus. Dix jours solitaires à Sorrente, avec le soleil, les bains dans une eau délicieuse et la compagnie de jeunes italiens sympathiques qui fréquentent comme moi le café et le ponton où je me baigne chaque jour. La bande m'a vite intégré dans leurs virées et quelques uns sont devenus bien proches. Sorrente, c'est la ville du Tasse. Une cité balnéaire réputée. A y vivre au milieu de ses habitants on le comprend. Tout est agréable. Le plus gros des touristes est parti redonnant aux habitants l'usage de leur ville. La jeunesse est nombreuse, belle, épanouie et avenante. 

Je ne m'ennuie donc pas du tout Ni le jour, ni la nuit. La vie est bien moins chère qu'à Florence. Heureusement car j'arrive au bout de mes traveler's et j'ai déjà dû appeler ma chère mère pour me réapprovisionner... Cela m'a permis de découvrir Naples qui m'a fasciné. Je l'ai visité en compagnie de Mario, jeune éphèbe sorrentin de dix sept ans, joli nageur et plongeur qui n'a pas cessé de faire mille démonstrations de son habileté devant moi. Il faut que je te raconte. Et ne crois surtout pas que j'ai voulu profité de ma solitude et donc de la liberté qui va avec pour partir chasser comme le ferait notre pauvre Paul. Je voulais écrire. Je vais donc chaque jour depuis le départ de Nicolas à ce café sur le port qui dispose d'une terrasse-ponton au bord de l'eau. J'y ai ma table où je joue au professeur Ashenbach avec mes livres et mon grand cahier. mais la comparaison s'arrête là. d'abord parce que je n'ai pas encore tout à fait vingt-cinq ans. 

Mais tu vas rire quand je dirai que la première fois que j'ai remarqué Marco, j'ai tout de même pensé à la fascination de Dirk Bogarde quand il voit pour la première fois sur la plage Björn Andrésen ! Il faut dire que mon jeune nageur est joliment fait, avec un sourire d'ange, de longs cheveux bouclés et des cils de fille entourant des yeux d'un vert incroyable... Plongeant, replongeant et ne cessant de me regarder, j'ai bien fini par craquer et répondre à ses regards d'abord, à ses invites ensuite... Je sens déjà ton regard désapprobateur de grande bourgeoise prude et revenons à ma découverte de Naples. 

C'est une ville fascinante vraiment. Non seulement ses églises, gigantesques pâtisseries dégoulinantes d'arabesques et de déliés mais ses vieux quartiers, le tombeau de Virgile a Piedigrotta - où j'ai embrassé Marco pour la première fois, le pais royal (j'ai beaucoup aimé le teatrino), le château d'Anjou et l'atmosphère générale, un peu déjantée, de la ville. Un rêve. La visite à la Compagnie des Wagons-Lits Cooks & Co s'est vite transformée en une jolie ballade touristique. le musée archéologique m'a permis de prendre un ascendant certain sur Marco que écoutait toutes mes explications bouche bée et pendu à mon bras. Bref, j'ai passé trois agréables journées à Naples, logé chez la grand-mère de Marco, vieille femme à demi aveugle et un peu sourde qui n'a fait aucune objection que son petit-fils et moi partagions le même lit... Marco n'est pas seulement un bon nageur... Pardon, je m'égare ma chère Blandine ! Sois donc fière de moi, je m'assume et je n'en ressens nulle culpabilité ni confusion. 

D'autant que tout cela est déjà une histoire ancienne. Car, en dépit du peu de temps qu'il me reste avant de rentrer, j'ai décidé de retourner à Capri. Tu me l'avais vivement conseillé et combien tu as eu raison. N'ayant pas assez d'argent pour loger à l'hôtel, j'ai dormi la première nuit à la belle-étoile, un peu effrayé tout de même mais beaucoup ravi. J'avais trouvé un raidillon entre deux vergers qui mène à un promontoire arboré avec une vue incroyable sur la baie. J'y ai installé mon sac de couchage sur un lit d'aiguilles de pin et de mousse un peu en retrait du chemin, face à la mer et, après m'être changé, je suis descendu sur la piazzetta. Quel délice que cette passeggiata. Entouré de belles filles et de jolis garçons bien, je regrettais un peu d'être seul et de ne pas parler assez bien l'italien... Tout le monde ici joue à la séduction... Tu avais raison, Capri est un bel endroit. Que de jolies tentations, tu peux l'imaginer... Marco m'a un peu manqué. Mais ces doux moments avec lui n'effacent pas le manque. Si seulement le fratellino était avec moi...

La nuit se passa sans problème sous un joli clair de lune. Au petit matin, un homme et une femme qui promenaient un chien ont remarqué mon petit campement. Nous avons un peu bavardé et ils m'ont proposé de prendre un café chez eux, à deux pas. Tu ne devineras jamais où ils habitent ! Ceux sont les gardiens de la ville Lysis, la villa de Fersen et sans le savoir, j'avais dormi dans un des recoins du parc de la propriété du baron ! Ces lieux qui m'ont tant fait rêver depuis mes quinze ans... Anna Salvia est charmante. ils vivent au rez-de-chaussée dans les anciens communs, seuls encore occupés. Le reste de la villa est tout effondré ou presque. Un grand trou dans la toiture et dans le plafond du grand salon rendent la villa inhabitable. 

De fil en aiguille, ces gens m'ont proposé de poser ma paillasse dans une chambre à l'étage, la seule qui a conservé son plafond et c'est... la chambre de Nino Cesarini ! Mais oui ma chère, je dors depuis deux nuits à l'emplacement exact ou dormais l'amant du baron d'Adelsward-Fersen... Les fenêtres ouvrent sur une terrasse joliment carrelée, à travers les arbres je vois la baie et la crique tout en bas... Tout est aussi beau que je l'imaginais, et il flotte ici quelque chose d'unique... Un lieu dédié à la jeunesse d'amour... J'aimerai y revenir avec il fratellino, et avec Marco... Hélas je dois bientôt partir.

Je t'écris du café sur la piazzetta où se réunissent les jeunes. il y a quelques vieux messieurs assidus aussi... J'ai même rencontré un vieux bonhomme tout sec qui a fut employé comme jardinier par le baron. C'est le fils de la belle Carmelina, cette danseuse dont parle Peyrefitte dans son livre. Il m'a offert une photo de son ancien maître...  Jalouse ? Un bonheur en tout cas. c'est la première fois que je pénètre dans un roman...

A très vite, bien chère Blandine, pour user ensemble notre jeunesse auprès de nos vieux maîtres et nous préparer à dominer le monde ! Mille baisers à ton frère qui me manque autant que toi !

C."


 

16 janvier 2018

Sleep Well My Love




Belle chanson d'après l'émouvante lettre d'amour écrite par Brian Keith, un G.I. à Dave, son ami, G.I. comme lui en Afrique du Nord pendant la Seconde guerre mondiale, publiée pour la première fois en 1961 et reprise pendant la campagne présidentielle qui porta Obama au pouvoir. En voici le texte :

Dear Dave,

This is in memory of an anniversary — the anniversary of October 27th, 1943, when I first heard you singing in North Africa. That song brings memories of the happiest times I’ve ever known. Memories of a GI show troop — curtains made from barrage balloons — spotlights made from cocoa cans — rehearsals that ran late into the evenings — and a handsome boy with a wonderful tenor voice. Opening night at a theatre in Canastel — perhaps a bit too much muscatel, and someone who understood. Exciting days playing in the beautiful and stately Municipal Opera House in Oran — a misunderstanding — an understanding in the wings just before opening chorus.

Drinks at “Coq d’or” — dinner at the “Auberge” — a ring and promise given. The show 1st Armoured — muscatel, scotch, wine — someone who had to be carried from the truck and put to bed in his tent. A night of pouring rain and two very soaked GIs beneath a solitary tree on an African plain. A borrowed French convertible — a warm sulphur spring, the cool Mediterranean, and a picnic of “rations” and hot cokes. Two lieutenants who were smart enough to know the score, but not smart enough to realize that we wanted to be alone. A screwball piano player — competition — miserable days and lonely nights. The cold, windy night we crawled through the window of a GI theatre and fell asleep on a cot backstage, locked in each other’s arms — the shock when we awoke and realized that miraculously we hadn’t been discovered. A fast drive to a cliff above the sea — pictures taken, and a stop amid the purple grapes and cool leaves of a vineyard.

The happiness when told we were going home — and the misery when we learned that we would not be going together. Fond goodbyes on a secluded beach beneath the star-studded velvet of an African night, and the tears that would not be stopped as I stood atop the sea-wall and watched your convoy disappear over the horizon.

We vowed we’d be together again “back home,” but fate knew better — you never got there. And so, Dave, I hope that whereever you are these memories are as precious to you as they are to me.

Goodnight, sleep well my love.

Brian Keith

15 janvier 2018

Call Me By Your Name

Le livre m'avait beaucoup touché, je vous l'ai écrit il y a quelques semaines. Le film, avec un scénario écrit par James Ivory, est une vrai réussite. Un nouveau Brokeback moutain qui se répand partout comme une traînée de poudre d'amour...A ne manquer sous aucun prétexte, vraiment ! Et cette bande-son...

Oh, to see without my eyes 
The first time that you kissed me 
Boundless by the time I cried 
I built your walls around me 
White noise, what an awful sound 
Fumbling by Rogue River 
Feel my feet above the ground 
Hand of God, deliver me 

Oh, oh woe-oh-woah is me 
The first time that you touched me 
Oh, will wonders ever cease? 
Blessed be the mystery of love 

Lord, I no longer believe 
Drowned in living waters 
Cursed by the love that I received 
From my brother's daughter 
Like Hephaestion, who died 
Alexander's lover 
Now my riverbed has dried 
Shall I find no other? 

Oh, oh woe-oh-woah is me 
I'm running like a plover 
Now I'm prone to misery 
The birthmark on your shoulder reminds me 

How much sorrow can I take? 
Blackbird on my shoulder 
And what difference does it make 
When this love is over? 
Shall I sleep within your bed 
River of unhappiness 
Hold your hands upon my head 
Till I breathe my last breath 

Oh, oh woe-oh-woah is me 
The last time that you touched me 
Oh, will wonders ever cease? 
Blessed be the mystery of love

14 janvier 2018

Friends



La lettre d'Alan Turing à la mère de son ami disparu lue par Benedict Cumberlatch




"You could not possibly have had a greater loss"  L'excellent acteur britannique Benedict Cumberbatch lit une lettre que rédigea le mathématicien Alan Turing à la mère de son ami et condisciple à Sherborne School, passionné comme lui de mathématiques et qui lui fit découvrir l'astronomie... 

Datée du 18 février 1930, elle exprime avec une aisance et une parfaite maîtrise des mots, le chagrin d'un garçon de 17 ans qui vient de perdre son meilleur ami et, sans que cela soit vraiment partagé, la disparition de son premier amour.  Tuning adresse ses condoléances à la mère du jeune Christopher Morcom mort quelques jours plus tôt d'une terrible maladie, la tuberculose bovine, attrapée en buvant du lait contaminé. Déjà dans les années 30...

03 janvier 2018

similitudes


Trouvé sur le site français Les Diagonales du temps, des photos du travail de Charbonneau, un sculpteur français que j'aime bien. J'aimerai pouvoir lui acheter une œuvre mais son travail est volumineux, lourd, en bronze et le prix doit être à l'unisson. Ce bronze me rappelle plein de choses. les statues retrouvées d'Antinoüs, l'éphèbe de Pompéi, d'autres aussi. Et puis cette image retrouvée dans mes archives, d'un garçon l'été à la plage. Il pourrait s'agir du même. La beauté des corps toujours et encore...


02 janvier 2018

Philip von Battenberg alias HRH Prince Philip, Duke of Edimbourgh


Celui qui fut un des plus beaux princes d'Europe aura 97 ans cette année ! Longue vie au mari de la reine Elisabeth. Petit-fils de roi, descendant de la reine Victoria, parent de toutes les familles impériales et royales d'Europe, ses mémoires intimes seraient une source incroyable d'information comme le seraient le journal intime de la reine. Un jour peut-être loin avant dans le XXIe siècle, bien après leur disparition, on pourra lire leur vie écrite de leur main et mieux comprendre ce que fut leur existence, leurs renoncements, leurs échecs et leurs joies.

 

01 janvier 2018

T.E.Lawrence quand il n'était pas encore Lawrence d'Arabie...


T. E.Lawrence en uniforme de cadet à Newport Beach par le peintre britannique Henry Scott Tuke dans les années 1921-1922. Le futur Lawrence d'Arabie se passionnait alors pour l'histoire et l'archéologie. Dans ses années d'undergraduate au Magdalen College d'Oxford il partit en vélo faire un tour de France des châteaux de la période médiévale. Le célèbre film de David Lean, s'il reste une magnifique épopée sur la vie de ce visionnaire ne lui rend pas vraiment justice. 

T.E. Lawrence avec ses frères.

Nourri à la fois par la british way of life, de la philosophie grecque, de la littérature ancienne et des grandes aventures humaines, il fut bine )plus que ce qu'on nous montre dans le film.

Ce que tout le monde a compris, c'est que Lawrence était beau et qu'il appréciait la beauté des garçons comme son éducation classique le lui indiquait...
 
T.E. Lawrence à Oxford
Les étudiants que j'ai rencontré à Oxford ont une vénération pour lui. Ils lui ressemblent souvent...


Farniente du premier jour de l'an nouveau...


Ben et ses amis sont partis skier. Le chien ronfle sur le tapis et David prépare le plateau du petit-déjeuner. douce quiétude de ce matin d'hiver, le premier de l'année. Que plein d'autres lui succèdent et que longtemps encore, nous partagions lui et moi, le même lit, la même vie, les mêmes désirs La même joie d'être ensemble... 

 

Happy New Year !!!


30 décembre 2017

anyone lived in a pretty how town

Anyone lived in a pretty how town
(with up so floating many bells down)
spring summer autumn winter
he sang his didn’t he danced his did.

Women and men(both little and small)
cared for anyone not at all
they sowed their isn’t they reaped their same
sun moon stars rain

children guessed(but only a few
and down they forgot as up they grew
autumn winter spring summer)
that noone loved him more by more

when by now and tree by leaf
she laughed his joy she cried his grief
bird by snow and stir by still
anyone’s any was all to her

someones married their everyones
laughed their cryings and did their dance
(sleep wake hope and then)they
said their nevers they slept their dream
E. E. Cummings                     

                                          

Cliché volé


29 décembre 2017

La neige, le feu dans la cheminée, Buxtehude et des livres


Tous les ans, nous partons le lendemain de Noël dans un des plus beaux endroits que je connaisse à deux pas de New York. Catamount dans le Massachusetts. Un ancien village à l'orée d'une forêt et près d'un champs de neige sublime. Des chalets (pardon, ici ils disent Cottages) sont disponibles toute l'année. Le paradis. Les amateurs de glisse peuvent s'en donner à cœur joie et les amateurs de nature tout autant. Voilà cinq ans que nous y passons la dernière semaine de l'année, parfois tous les deux mais le plus souvent avec des deux jeunes frères ou des amis. On ne voit les garçons que très peu. Le ski et le bobsleigh sont leur passion. Beaucoup de neige le plus souvent et un froid mordant même lorsque le soleil se lèvre et que le ciel se fait d'un bleu rutilant. Musique et lecture donc. Cuisine aussi et farniente quotidien. David termine la relecture de son manuscrit sur la philosophie présocratique. Amusant parallèle avec Oliver, le fameux jeune chargé de cours de Columbia du livre d'André Aciman Call Me By Your Name qui a donné le très beau film  dont je dois vous parler. Tous deux, le David de ma vie et l'Oliver du livre/film enseignent la philosophie à Columbia, tous deux foulent tous les jours les allées de Morningside campus et tous les deux aiment les garçons. J'aimerai mieux écrire : aiment aimer les garçons...


C'est de cela dont nous parlons beaucoup ces derniers temps et qui m'a décidé de me (re-) mettre à l'écriture et à la recherche. A Paris, du temps de l'EHESS, j'avais entrepris une réflexion sur l'amour socratique, le désir polymorphe et finalement l'orientation bien peu ouverte des mouvements gays qui ne comprennent ni ne partagent cela. mais c'est un autre chapitre, si je puis dire, de ma vie et matière à d'autres billets sur de blog... Il a beaucoup neigé quand nous sommes arrivés avec les petits frères, Thomas, l'ami de Ben, et Amy sa copine. Bon feu dans la cheminée, le violon d'Andrew Manze qui joue une sonate italienne du XVIIe. La musique se répand sous les lambris qui sentent bon le miel. David fait des pancakes et le thé fume dans les mugs. Bonheur. Ciel de nouveau gris mais cela passera avec le vent. Les plus jeunes sont déjà sur les pistes ?



Three Czech boys in room


David est triste ce matin. Il vient de retrouver des photos du temps de sa première année d'université. Columbia. Dieu, qu'il était beau déjà. Il émanait de lui ce qui me fit craquer en un instant et décida finalement de ma vie,. de notre vie à tous les deux. Je ne pensais pas rester à New York. Le stage dans la maison de courtage financier d'une des plus grandes banques américaines avait été l'occasion de quitter la France. j'avais pensé faire mon stage à Bruxelles; Nous y avons de la famille. Ma mère m'avait trouvé un appartement par ses réseaux. Je venais de rompre avec Philippe. Il s'était fiancé. Fille de bonne famille. pression familiale. Il avait hésité mais il ne supportait plus d'avoir à organiser ses deux vies. Il allait rentrer à l'ENA. Mes oncles et mon père m'auraient voulu auprès d'eux pour peu à peu reprendre les rênes de la propriété avec mes cousins. J'étouffais. J'étais malheureux. Partir m'était nécessaire. Ce fut New York après notre dernier voyage, Philippe et moi, un tour de Sicile.


Nous avions grandi ensemble ou presque. Notre désir datait du premier instant. Notre entente, notre complicité, notre plaisir, tout était toujours en harmonie. Mais il y avait son nom, les traditions et les usages. C'était pareil pour moi, mais notre famille avait mieux franchi le cap des temps modernes en s'éloignant des préjugés. Bref, raconter mes vingt ans d'étudiant et mes déboires amoureux n'était pas le but de ces lignes. Je voulais aborder ma rencontre avec David qui détermina mon choix de vivre ici et changea ma vie et le regard que je porte sur tout cela. Est-on encore jeune quand on vogue vers la quarantaine ? David feuilletant une revue sportive s'était revu. Bel athlète, sourire et mèche de star, le parfait WASP avec un brin de folie en plus, un quelque chose de bohème et de pazzesco. Sa mère est anglaise et le nom qu'il porte est honoré ici comme l'un des fondateurs de ce pays. Cela aurait pu être un poids et cela en fut un parfois. Mais David, avec le soutien de sa mère, de sa grand-mère a survécu à tout. 

Notre première rencontre à une soirée dans un somptueux appartement donnant sur Central Park. Nous avions un peu bu. la musique était agréable, la vue splendide. Et c'est ainsi que tout commença comme dans un roman anglais... Il se trouve enlaidi, les traits plus épais, les muscles moins fermes... Cela m'a fait penser à cette photo qui montre trois jeunes tchèques au mieux de leur forme. Je ne suis pas certain que des corps puissamment musclés, totalement imberbes, avec des visages glabres aussi, de beaux yeux clairs, des dents splendides et une épaisse chevelure déterminent vraiment la vraie beauté. Il y faut autre chose. Un je ne sais quoi qui rendre attirant et désirable un garçon maigre ou un autre à la poitrine étroite et déjà velue. La beauté certes fait naître le désir mais pas seulement elle. le charme d'un sourire, une fossette, des yeux embués de timidité, des dents imparfaites et par-dessus tout l'intelligence, la finesse, le charisme. Ce qu'on nomme la présence. David était tout à la fois. Beau, intelligent, drôle, timide, farouche. Derrière sa parfaite éducation et toute la réserve anglo-saxonne, il était capable d'une incroyable volubilité et sa sensualité débordait de partout. Des années après, il reste le même; Le jeune homme en construction est devenu un homme, jeune, toujours aussi beau, toujours aussi brillant. Mon étreinte aura apaisé ce petit moment de nostalgie. Nous avons devant nous encore des années d'insouciance et de joie tant que notre cœur et notre esprit demeurent comme à vingt ans.

27 décembre 2017

La beauté, toujours la beauté


Call Me By Your Name

Je ne sais pas si parmi vousquelqu'un aura lu le roman d'André Aciman paru en 2007 aux États-Unis puis en Italie et enfin en France (sous le titre Plus tard ou jamais. Ce roman que je découvris d'abord dans la petite librairie du village où vivent mes parents dans le bordelais puis que j'ai relu quelques années plus tard dans sa version originale m'a fait un effet incroyable dès les premières pages de ma première lecture. Très proustien, très beau, parfois très direct, il m'avait bouleversé à l'époque. 

C'était l'été et notre mode de vie dans la vieille propriété familiale ressemble beaucoup à celle d'Elio, le héros du livre, et de sa famille. Le Médoc n'est pas la Toscane, loin s'en faut, mais les chaleurs estivales, le mode de vie au ralenti et cette lumière, cette chaleur, la proximité de la mer, tout me rapprochait du livre. Et quelle émotion à suivre l'avancé de la relation entre Elio et Oliver, le jeune professeur de Columbia invité par son père pour l'été. Mais lisez-donc le livre si vous ne l'avez pas encore fait et ^patientes encore, lecteurs d'Europe, le film ne sort de l'autre côté de l'océan qu'en février ou en marc. Il faut le voir sur grand écran comme il faut aussi oublier la densité du livre et la force des mots. Si le scénario du film a été écrit par James Ivory, le film ne peut traduire toutes les finesses, les coins et les recoins du livre. Mais ce film qui a déjà remporté un franc succès partout sur le continent américain, va faire des ravages en Europe. Les acteurs sont parfaits, splendides, vrais, plausibles. Un très bon film.


Il y a dans le livre une scène torride, d'un érotisme gentil cependant et décrite avec beaucoup de délicatesse par l'auteur. Une scène ou Elio, sexuellement repu après sa nuit d'amour avec Oliver, puis avec la jeune Marzia, seul dans sa chambre à l'heure la plus chaude d'un mois d'août de la campagne italienne, joue - sexuellement - avec une des pêches du verger. Nu sur son lit, il bande en pensant à ce qu'il vient de vivre, en pensant à celui qu'il aime et il presse la pêche à moitié ouverte sur son sexe, il se prend au jeu et finit par jouir sur le fruit puis, le fruit reposé sur la table de chevet, il s'endort jusqu'au retour d'Oliver plein de désir... Lisez le livre ou allez voir le film, je ne vais pas spoiler la scène.

La beauté n'est jamais vaine

"Shepherd boy, do you see the wild fennel bulbs I gathered for you
olallieberries, new-mown grass, the tender fruits of   the coastal fig? 
D.A. Powell


Doté par la Nature d'un corps parfait qu'une santé solide lui permet de développer chaque jour davantage, Alexis fait les délices de son ami. Il sait combien on le regarde et cela longtemps l'a gêné. Il est fier de sa force et fier aussi de tourner la tête à czlui qui l'aime. Parfois aussi la fille qu'il étreint se pâme dans ses bras. Il n'en tire aucune gloire. Car il sait, cet enfant béni des dieux qu'il atteindra bientôt l'âge où tout s'inverse et où on ne le regardera plus. Il court, il nage, il s'entraîne mais jamais ne se contemple. Il a peur de prétendre et de perdre l'amour du bien-aimé.


Corydon lui renifle de dépit. Alexis ne le voit pas. Petit, râblé, la peau tannée par les journées passées sous le soleil à garder les troupeaux de son maître. Il a les épaules étroites et depuis le bas des cuisses jusqu'à ses épaules un duvet pareil à celui de ses moutons pousse sur sa peau brunie. Il veut ressembler à Alexis pour qu'Alexis un jour en le regardant pense se voir lui-même. il s'illusionne, il vourt aussi et il nage mais son corps n'a pas été façonné par les dieux pour l'amour. Seulement pour le dépit. Pauvre Corydon, il fait fausse route. Rasé, nu comme un ver il se présente au gymnase. Les autres garçons rient de lui. Un sac d'os et du ventre et par dessus tout, un sexe trop rouge d'être sollicité pour des rêves pollués... 


Non loin de là, le jeune Daphnis dont on a brisé l'arc et les flèches et brisé le cœur aussi en le laissant sur le chemin de la fête parce que trop jeune. Pourtant Ménalque ne l'a pas bien regardé encore. Que cet enfant est beau et que l'intelligence fait luire son regard. Il aura bientôt la force d'Alexis et le savoir du maître. Il sera le jeune amant tranquille, il aimera beaucoup, il aimera longtemps et sera le plus fort, le plus grand, le plus brillant. Il changera de nom un jour et sera dans la mémoire des hommes longtemps sous le très splendide patronyme d'Alcibiade le doux. Regardez combien déjà sa modestie irradie en majesté... Promesses, promesses. celles de l'aube, celles du printemps, celles de la beauté des dieux. Il en approche l'âge car à la fin de la prochaine lune, il aura dix sept ans...

20 décembre 2017

Le garçon qui dort 3

Tel Endymion endormi...

Sans la beauté, la vie n'est rien


"Achille / Che per amor al fine combatteo." 

Ce vers chargé de sens qu'écrit Dante dans son Enfer, confirme avec une concision cathartique tout l'Iliade qui a pour unique sujet la passion d'Achille pour Patrocle. 

Adolescent, je rêvais de cet amour, puissant, exigeant. La colère du héros contre Agamemnon qui d'abord le fait se retirer du combat, l'amour d'Achille pour Patrocle surpassant l'amour de la femme qui, malgré tout, le ramène sur le champ de bataille. Cest seulement cela l'Iliade. En écoutant notre professeur qui nous chercher à nous faire comprendre cela d'une manière nuancée, précautionneusement mais qui insistait sur la beauté de Patrocle et sur la pureté de l'amour grec qui faisait pousser des ailes aux héros, transformant des amis (nous étions quelques uns à traduire des amants) en guerriers pour se défendre mutuellement...

J'imagine qu'il était ainsi l'Ami chéri d'Achille après le coup qui lui ôta la vie. Les yeux clos, les traits purs d'un enfant qui dort, la bouche ouverte encore qui laissa s'exhaler un dernier cri "Achille" avec son dernier souffle. L'apparence d'un visage en pâmoison, figé dans l'instant si fugace du plaisir qui éclate. 

Pour Achille la perte est immense. Il n'y a plus de lumière, plus de joie, plus de parfums. L'Aimé n'est plus. son corps gît sur un manteau de pourpre, l'éclat de sa beauté n'est pas encore terni par la mort. S'il n'y avait le sang sur son armure, on pourrait penser qu'il dort, le charmant enfant, le prince de son cœur, le maître de sa vie. sa vie justement, Achille la conserve mais à quoi bon puisque Patrocle n'est plus...
  


Le monde moderne a du mal à aimer vraiment la beauté et les amours rarement s'épanouissent par la contemplation seule de la beauté. L'esprit des grecs est bien loin. L'amant veut posséder la beauté de son amant. Son corps est une proie et la pénétration l'objectif recherché par les sens. Au risque de paraître ridicule et niais, j'aime quand en confiance on peut aborder ces sujets, rappeler que l'amour grec qui fait ricaner tant de gens et met souvent en colère ces militants d'une cause qui n'en est plus une pour qui l'amour de la jeunesse est une perversion quand il n'est pas éprouvé par quelqu'un encore lui aussi dans la jeunesse. Entre gosses, c'est tolérable, attendrissant même mais ensuite, cela n'est pas acceptable, cela met en question les amours homosexuelles, la drague, les relations kleenex, l'incapacité d'aimer sans y mettre les doigts ou sans passer devant un officier d'état-civil pour singer le matrimoine hétérosexuel. Billevesées devenues fondements de la pensée sexuelle contemporaine. La pensée unique en dehors de laquelle on a forcément tout faux.


Quand Gide expliquait qu'il existe trois catégories d'homosexuels, sa réflexion était le produit d'une culture philosophique et esthétique millénaire. Aujourd'hui, la masse informe  est ignare.

L'amour des garçons n'était pas assimilé à un crime, le pédéraste n'était pas encore le pédophile.  Il décrivait ainsi trois orientations différentes, parfois aux contours mouvants : 
- le pédéraste, héritier de la culture antique est celui qui aime les jeunes hommes, les garçons.
- Le sodomite que n'attire que les hommes adultes, de son âge ou plus âgés.
- L'inverti celui est efféminé et désire être possédé.


Gide ne pouvait pas être plus clair et direct quand il écrit dans son journal (nous sommes en 1918 !) :

« J’appelle pédéraste celui qui, comme le mot l’indique, s’éprend des jeunes garçons. J’appelle sodomite [...] celui dont le désir s’adresse aux hommes faits. J’appelle inverti celui qui, dans la comédie de l’amour, assume le rôle d’une femme et désire être possédé. Ces trois sortes d’homosexuels ne sont point toujours nettement tranchées ; il y a des glissements possibles de l’une à l’autre ; mais le plus souvent, la différence entre eux est telle qu’ils éprouvent un profond dégoût les uns pour les autres ; dégoût accompagné d’une réprobation qui ne le cède parfois en rien à celle que vous (hétérosexuels) manifestez âprement pour les trois. Les pédérastes, dont je suis (pourquoi ne puis-je dire cela tout simplement, sans qu’aussitôt vous prétendiez voir, dans mon aveu, forfanterie ?) sont beaucoup plus rares, les sodomites beaucoup plus nombreux, que je ne pouvais croire d’abord ».

J'aime les garçons. pas les hommes. J'ai aimé des femmes mais davantage encore des filles. Garçon, je ne fantasmai pas sur les corps velus et musculeux des adultes, jeunes ou mûrs. Cela ne m'a jamais fait baver ni encore moins bander. Pareil pour le sexe féminin. J'aimais à quinze ans les jolies filles de quinze ou seize ans, à vingt ans celles du même âge. Les garçons que j'ai aimé avaient tous mon âge ou bien ils étaient plus jeunes. Quand je suis devenu un adulte fait, j'ai continué d'être attiré par les jeunes hommes, les garçons, particulièrement ceux chez qui demeure cette pureté, cette candeur de l'enfance dans un corps d'homme plein de désirs et de force. L'alchimie ne dure pas et un jour la beauté s'efface chez la plupart d'entre eux et, en devenant des hommes, je ne les vois plus comme des objets de désir, des êtres que je pourrais aimer comme j'ai aimé ces garçons qui ont peuplé ma vie et mes nuits. 

Et puis ce qui m'a toujours gêné, agacé, écœuré même parfois chez les homosexuels, ceux que Gide nomme les sodomites, c'est cette pratique sexuelle que je nomme les amours kleenex. On lève un mec, si possible en abordant la chose par ce qu'elle de plus salace et vil, on ferre la proie d'une soirée, d'une heure, d'un jour et on consomme et on passe à une autre proie... On retrouve ce donjuanisme chez les hétéros qui ne cherchent aussi que le cul. Mais mes propos ne vont pas plaire à tout le monde.

Celui que j'aime et avec qui je dors a fêté son vingt quatrième anniversaire. Je pourrai être son père. Quand nous nous aimons, je suis son ami, son compagnon, son frère, son fils, son camarade, jamais son père. L'amour est là celui que nous nous portons et celui, divin, que j' voue à la beauté. A sa beauté. Cadeau des dieux.