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28 juillet 2020

Pour être heureux, il suffit d'être deux !

Un lecteur, étudiant à Paris, qui lit et réfléchit beaucoup, me pose une question. Fidèle lecteur depuis plusieurs années - depuis les mois qui précédèrent son baccalauréat en fait - il m'écrit pour me faire part de sa perplexité. Depuis une rencontre inattendue et qui semble avoir atomisé tout le reste, après l'empêchement physique de poursuivre sur un mode habituel la belle relation naissante (foutue crise sanitaire !), après de nombreux rendez-vous hors-sol via zoom, les deux tourtereaux s'étant réfugiés chez papa et maman, l'un en Normandie, l'autre en Bourgogne, ont appris à se connaître d'une manière somme toute originale. 


Des échanges rendus plus intenses encore par l'impossibilité de se toucher, de s'embrasser, d'aller ensemble dans les mêmes rues, de s'étendre sur les mêmes pelouses, et l'impatience, aussitôt le retour à Paris pour les deux garçons , de se retrouver vraiment. Belle histoire puisqu'ils ne se sont plus quittés. Mais demain ? De quoi cela sera-t-il fait ? Doivent-ils céder à la douce tentation de se fondre en un couple et de vivre ensemble ? "Comment as-tu fait toi ?" Embarrassante question. N'étant pas conseiller conjugal, j'ai seulement fermé les yeux pour me souvenir des premières minutes où l'évidence que j'allais lier ma vie à celui que j'ai aimé à l'instant où je l'ai vu dans l'embrasure d'une porte. depuis plus de quinze ans. Une évidence que je vis depuis quinze ans. La raison de cette alchimie réussie ? L'amour bien sûr, mais aussi l'amitié, la fraternité, l'apaisement du désir par la certitude de le partager à tout moment, et pas seulement sexuellement, mais aussi intellectuellement. Avec gourmandise et surpris à chaque instant comme s'il s'agissait de la première fois... Et puis aussi, cette autre évidence : Être deux, c'est mieux...

 

"L'amour est pur lorsque, en lui, la soif du bonheur s'efface devant la passion de l'unité. Tant que deux êtres ne sont liés l'un à l'autre que par le désir d'être heureux, ils ne s'aiment pas, ils sont séparés. Aimer ne consiste pas seulement à mettre en commun deux joies, mais deux vies."


Sacha Guitry, connu pour son cynisme écrivait portant : "Je reste convaincu que l'on peut vivre à deux, d'un bout à l'autre de la vie, en ayant l'un pour l'autre un sentiment que rien ne saurait altérer, fait de tendresse et de respect, de confiance et d'amitié, d'amitié dans le sens le plus pur de ce mot."

 

C'est ce que chantait Charles Trenet. sur la longueur, même si tous - n'est-ce pas constitutif du garçon qui répugne longtemps à aliéner sa liberté et son indépendance mais ne réussit jamais à se satisfaire de la solitude, cherchant toujours l'alter ego, le frère, l'amant pour ne faire qu'un, de corps et d'esprit. Conclusion d'hadrianus après ces semaines de lockdown à deux : Aimer c'est ce qui sauve de toutes les tentations, de tous les périls, de toutes les chutes. Oui, vraiment, ami lecteur, être deux, c'est mieux...



Il est parfois de doux combats


26 juillet 2020

chacun son tour


Séance de douche. 
Un dimanche, sur un navire de l'US Navy. 
Années 80.

Ton silence que je n'avais pas compris

Ta rencontre c'était mon drame et mon poème.
Je n'avais donc aimé qu'un peu! [...]
Je suis venu vers toi, malgré l'ombre et le vice,
Pur comme le très pur, naïf et glorieux;
Peuvent-ils, ces voleurs, te rendre le service
Du portrait idéal et du tien dans mes yeux?
[...]
Et j'écoute ton silence
Que je n'avais pas compris. [...]
Ange doux, ange brutal...
Pur, limpide, sans mélange
Fermé comme le cristal.
Dans ce cristal je contemple
Le désespoir évité.
Mon bonheur est un temple
A ta jeune antiquité.
[...]
Tu vivais enfoncé dans un autre toi-même
Et de ton corps si bien abstrait,
Que tu semblais de pierre. Il est dur, quand on aime
De ne posséder qu'un portrait.
Jean Cocteau

24 juillet 2020

Bosie, jacinthe et narcisse


"He is quite like a narcissus - so white and gold... 
he lies like a hyacinth on the sofa and I worship him." 

 "Il est tout à fait comme un narcisse - si blanc et or ... 
 il s'allonge comme une jacinthe sur le canapé et je l'idolâtre."

C'est ainsi que le décrivait Oscar Wilde. Le scandale du procès entre l'écrivain et le père de Bosie, l'irascible Marquis de Queensberry, parangon de la fierté et de la rigidité victorienne a jeté un voile très épais sur la personnalité et l’œuvre de Lord Alfred Douglas, né en 1870 et mort en 1945. Ses poèmes, de facture très classique mais souvent puissants et fascinants, sont aujourd'hui reconnus comme part de l'héritage littéraire britannique. 

 

Ses engagements peuvent encore aujourd'hui attirer la critique. C'est lui qui traduisit en anglais Le Protocole des Sages de Sion, le texte soit-disant historique créé de toutes pièces en Russie qui nourrit l'antisémitisme depuis la fin du XIXe siècle. Il fit même de la prison pour avoir injurié Winston Churchill. Mais l’œuvre prime sur les errements de l'homme, bien que ce ne soit plus une idée acceptée aujourd'hui dans ce monde où sévit la pensée unique...


L'éducation aristocratique et l'emprise de son père portèrent Bosie sa vie durant - après la disparition d'Oscar Wilde - à se draper dans la dignité d'un homme de son monde, raffiné, bien pensant et éloigné des vapeurs de soufre que l'hypocrisie bourgeoise de l'époque laissaient se répandre sur "l'Amour qui n'ose pas dire son nom" : Il se maria, eut un fils, Raymond. Bien qu'établi aux yeux des autres dans la réalité de sa vie d'aristocrate et d'héritier comme la société et les convenances le souhaitaient, il n'en resta pas moins sa vie durant ce qu'il fut dès le collège, un esprit brillant et sensible. Le géant Oscar Wilde influença avec bonheur ses qualités artistiques et leur amour marqua la vie entière de Bosie.



23 juillet 2020

Douce apathie estivale...


Bright Light, comme en rêve



Le garçon rêve au danseur qui hante son esprit et occupe son cœur, la chaleur est lourde, pesante comme en ces jours d'été trop orageux, son corps se tend et se met en mouvement, il est en nage. Le voilà qui danse à son tour et les deux corps se rapprochent... 

Soudain ses yeux s'ouvrent, et la réalité apparue en rêve et perçue, intense, dans sa chair devient soudain la réalité de son cœur. Le rêve peut devenir réalité. 

Il a enfin compris qu'il est depuis longtemps aimé par l'autre. Et il aime à son tour...

New Jersey, juillet 2020


"Jeunesse, seulement Jeunesse" disent les dieux. Ces corps purs, forts et inconscients souvent de leur force et de leur beauté... "Havres de la volupté, plus troublants et désespérés souvent que ceux de la passion ! Ne s'adressent-ils à personne, anonymes, nos propos, nos gestes n'ont que davantage à faire avec les dieux." écrivait Jouhandeau dans un livre très rare et longtemps caché. 

C'est le cadeau de Mark qui l'a découvert chez le bouquiniste de Soho, écorné. Il a raison, la jeunesse est sacrée et, tout comme la beauté en général, elle ne se possède pas, elle ne se partage pas. Elle se donne et elle passe mais nous ne voulons pas le savoir, ni le voir. Quand je me regarde dans la glace, je ne comprends pas tout de suite que l'image qui se reflète là, dans le miroir embué de la salle de bains, c'est moi, c'est bien moi. Derrière mes yeux, à l'intérieur de moi, le soleil qui brille et me permet de vivre encore, éclaire le visage et le corps de celui que j'étais, quand j'entendais dire autour de moi, au gymnase, au forum :
Voyez Hadrien, ce jeune homme,
Ce bel enfant, 
Cet éphèbe charmant...
 Et pourtant je ne m'aimais pas. Mais une force inconnue me dit que rien que l'apparence est changée, l'enfant, l'adolescent, le très chaste jeune homme, petit mâle innocent et pur, ignorant la raison des regards appuyés et des paroles entendues est toujours là et c'est par ses yeux que je vois le monde et les autres. 



Est-ce l'explication de toutes les amitiés juvéniles que je continue de tisser autour de moi. longtemps à la banque, je ne frayais vraiment qu'avec les plus jeunes, les stagiaires de vingt ans, les débutants, les livreurs et les grouillots adolescents. Combien depuis toujours leur compagnie me satisfait. Les hommes - surtout dans le milieu gay - ne comprennent pas et surtout désapprouvent. J'ai peu d'amis dans ce milieu, pour ne pas dire que je n'en ai aucun. Ceux que nous voyons sont souvent plus jeunes ou s'ils ont notre âge, ce n'est qu'apparence et une mention d'état-civil. Je sais des lecteurs qui seront révoltés une fois encore par ces propos. Ils viennent du cœur pourtant.

C'est évident, ils ne sont et ne seront jamais l'objet du même regard. Aucune appétence devant le corps des hommes quand rien ne transparait du garçon qu'ils furent. Il ne s'agit pas seulement de leur apparence, des ventres arrondis par l'alcool, des poils simiesques, des traits alourdis, marqués, des cheveux rares ou gris. C'est plutôt que toute innocence, toute fraîcheur, toute douceur et hésitation ont disparu. Ils avancent sur le chemin de la vie avec leur dépit, leurs manquements, leurs ratages. Nous sommes tous embarqués sur la barque de Charron qui nous porte vers l'ultime demeure. Mais quelques uns restent purs, frais. Parfois cela ne se voit que dans le regard, quand un éclair s'allume et qu'alors l'enfant, l'adolescent revit alors...


Comme l'écrivain, je me suis souvent demandé si nos désirs et nos attirances, ces attractions spontanées ne sont pas le souvenir des cultes d'antan dont notre âme aurait perdu plus ou moins le sens mais dont tout en nous garde le souvenir et aussi le besoin. L'impérieuse attraction, qui échauffe nos sens et occupe nos pensées, n'est-ce pas après tout la Nature qui palpite ainsi en nous avec ses mythologies de toujours qui toujours ont fait vibrer l'âme des humains, quand nous ne savons pas qui nous emporte sur son épaule ou entre ses bras jusqu'au-delà du monde dans nos nuits, pour nous laisser au petit matin, évanouis sur le chemin où nous réveille meurtris, mais repus, la lumière du jour. Ébahis de ce qui n’était peut-être qu'un rêve, c'est un sourire qui épanouit notre visage et non des larmes de regrets ou de terreur...


L'écrivain note ailleurs une phrase qu'Hadrien aurait pu nous laisser  : "Il suffit pour accomplir son destin de s'être gardé de la laideur, du dégoût et de l’opprobre qui en sont la négation". Le garçon qui me tend le bras, engourdi déjà par le sommeil, sa tête aux cheveux bouclés presque enfouie dans les oreillers qu'il soulève un peu, me confirme combien ces lignes sont vraies. Il n'a plus vingt ans lui non plus mais rien dans l'image qu'il renvoie n'est défraîchi, atténué. 

Comme au premier jour, nos corps se joignent dans une harmonie divine qui échappe aux ravages du temps qui passe. Être ensemble est une grâce divine, ces semaines de confinement forcé l'ont prouvé. Les dernières notes du Capriccio in Si bémol majeur de J.S.Bach qu'égrènent  la magie des doigts de Rudolf Serkin s'envolent autour de nous dans la chambre fraîche, loin de la ville. La nuit sera douce...



19 juillet 2020

Troye Sivan with Genius : ce type a du potentiel. really !

Enregistré à Melbourne, pendant le confinement, le jeune chanteur afrikaan, youtubeur et performeur explique la genèse de l'une de ses chansons, "Take Yourself Home", et comment le sens des strophes a changé avec la crise sanitaire.

A vingt cinq ans, ce jeune type a définitivement de la profondeur, de la culture, il réfléchit et oriente vers le meilleur d'eux-mêmes les adolescents qui sont fous de ce qu'il diffuse sur Youtube. Par sa musique, confiné en Australie alors qu'il vit avec son compagnon le mannequin Jacob Bixenman à L.A., il apporte une réflexion sur l'après crise d'une grande pertinence !

Non seulement, il est beau gosse, mais il est intelligent et cultivé. Est-ce son origine juive qui a donné sens à cette intuition artistique, qui oriente sa réflexion éthique et spirituelle ? Le fait d'avoir fui avec sa famille son pays natal, l'Afrique du Sud, triste pays abandonné à la violence et au chaos au quotidien ? En tout cas, il contribue vraiment à l'épanouissement des jeunes gays qui auraient encore quelques difficultés à s'assumer et à trouver bonheur et paix dans un monde bizarre où le concept d'homosexualité - inventé finalement il n'y a guère que cent ans - continue de déranger ou de perturber, un monde où on tue encore ceux dont l'orientation sexuelle dérange...


Et la chanson elle-même pour ce dimanche après-midi :