Je n'aurai pas dû. je sais bien que je n'aurai pas dû, mais c'était plus fort que moi. une pulsion soudaine et cette électricité qui m'a parcouru quand j'ai vu que Louis était rentré. La porte claquée, sa voix dans la cuisine, l'escalier grimpé quatre à quatre juste après un dernier éclat de voix. Louis ne s'entend pas avec notre mère. Il déteste vivre avec nous, avec elle et mon père qui n'est aps le sien. Il m'aime bien, disons qu'il me tolère. depuis que j'ai une conscience et que je ne suis plus la larve vagissante que ma mère couvait quand lui esseulé ne parvenait pas à faire son deuil du père parti. du père mort en fait (il l'a appris comme notre mère, un jour par hasard. Il faut dire qu'il y avait longtemps que ni ma mère ni son premier fils n'avait pas entendu parler de lui. Parti en claquant la porte avec sa secrétaire juste au moment où son agence immobilière menaçait de faire faillite. Ma mère est restée longtemps inconsolable. Louis avait treize ans. Elle a repris le chemin de l'hôpital pour reprendre son poste d'infirmière. Le chef de service, du même âge qu'elle avait été son fiancé au collège. Il l'a patiemment ramenée à la surface, à la joie et ils se sont mariés dès que le mari failli sous toutes les coutures eut accepté de divorcer. Et je suis le produit de cet amour restauré et du bonheur retrouvé de ma mère. Les jumelles sont arrivées ensuite. Louis n'a jamais accepté qu'un autre homme touche à notre mère. Depuis la mort de son père Il est devenu agressif, violent même et il disparait souvent sans qur'on sache où il est ni ce qu'il fait. Bref, ce Louis en colère est revenu, il est dans sa chambre. Elle est juste à côté de la mienne. Une porte aujourd'hui condamnée permettait de passer d'une pièce à l'autre. Louis y a mis une étagère remplie de ses trophées, de photos de lui avec son père et avec notre mère. Il y en a aussi deux ou trois avec moi. Celle où, très fier, je porte un poisson presque aussi gros que moi entre mon père et Louis. Les deux m'écrasent de leur taille, de leurs muscles, de leurs sourires. Si on regarde de près la photo, ils me soutiennent pas l'avant-bras pour que, le temps de la photo, je puisse porter à bout de bras notre trophée.
Un jour où Louis me manquait, je ne sais pas ce qui m'a pris, j'ai gratté le bois de la porte jusqu'à y faire un trou. Je suis vite allé dans sa chambre - interdiction formelle d'y pénétrer en l'absence de Louis - pour vérifier qu'il n'y avait aucun dégât visible ni traces de ma forfaiture. Le trou est resté, caché de mon côté par une carte postale punaisée parmi des tas d'autres sur l'ex-porte de communication. parlons-en justement de la cohabitation. Ce trou, un psy trouverait à dire que c'est symptomatique de l'état dans lequel je me trouvais à ce moment-là. Louis avec qui je chahutais souvent, qui parfois même, lors d'une crise avec son beau-père, mon père, me confiait sa tristesse, sa colère mais le plus souvent son incompréhension. Bref, il me manquait. Et depuis quelques temps, je sentais que des trucs bizarres lui passaient par la tête. Je suis peut-être un gosse aux yteux de tout le monde mais je sens des trucs quand il s'agit des gens que j'aime. Et Louis, je l'aime. Parce que c'est mon frère (enfin demi-frère), parce que njous sommes sortis du même ventre et tous deux le fruit d'un amour fou, véritable, intense. Bon, pour la relation entre notre mère et le père de Louis, ça n'était plus comme avant depuis longtemps, mais tout de même quand ils l'ont conçu, ils s'aimaient comme des fous. Le grand-père de Louis, qu'on continue de voir à la maison, a dit un jour en montrant le vieux canapé du salon, en rigolant "tu vois Louis, c'est sur ce canapé que j'ai surpris ton père et ta mère en train de baiser". Gloups, il ne prend pas des gants quand il parle celui-là. C'était la première fois que j'entendais ce mot mais j'ai tout de suite compris ce qu'il voulait dire quand j'ai regardé Louis devenir rouge comme les pivoines dessinées sur les rideaux de la salle à manger ! "Ils étaient pas mariés à l'époque. Tu as sûrement été conçu là. c'était le truc de mon fils de trousser les filles sur un canapé. Son côté cow-boy". Pas toujours très fin le grand-père. en tout cas, il a été là pour Louis après la disparition du fils indigne qui a abandonné toute la famille pour une blonde platinée "comme dans les mauvais films des années 60" disait-il. Maintenant il est trop vieux pour sortir de la maison de vieux où il croupit, dévorant livres sur livres et harcelant les nurses qu'il fait rire. Bref chez Louis, je sais bien que ça ne va pas bien. Alors, par le trou dans la porte, je surveille, j'observe. Et là, j'aurai pas dû ou alors, j'aurai dû remettre la carte postale devant le trou et passer à autre chose.
à suivre.....