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06 novembre 2025

Poem by Richard Siken

pour Serge L.
 
Tell me about the dream where we pull the bodies out of the lake
and dress them in warm clothes again.
How it was late, and no one could sleep, the horses running
Until they forget that they are horses.
It’s not like a tree where the roots have to end somewhere,
it’s more like a song on a policeman’s radio,
how we rolled up the carpet so we could dance, and the days
were bright red, and every time we kissed there was another apple
to slice into pieces.
Look at the light through the windowpane. That means it’s noon, that means
we’re inconsolable.
Tell me how all this, and love too, will ruin us.
These, our bodies, possessed by light.
Tell me we’ll never get used to it.
 
 
Raconte-moi le rêve où nous retirons les corps du lac 
et les rhabillons de vêtements chauds.
Comme il était tard, et que personne ne pouvait dormir, 
les chevaux galopant jusqu'à oublier qu'ils étaient des chevaux.
Ce n'est pas comme un arbre dont les racines doivent finir quelque part, 
c'est plutôt comme une chanson sur la radio de la police, 
comment nous avons enroulé le tapis pour pouvoir danser,
et les jours étaient d'un rouge éclatant,
et chaque fois que nous nous embrassions, 
il y avait une autre pomme à couper en morceaux.
Regarde la lumière à travers la vitre. 
Cela signifie qu'il est midi, 
cela signifie que nous sommes inconsolables.
Dis-moi comment tout cela, et l'amour aussi, peut nous détruire.
Nos corps, possédés par la lumière.
Dis-moi que nous ne nous en lasserons jamais.





14 octobre 2025

Nous avions douze ans quand nous sommes rencontrés

(work in progress.)
 
 
Je visitais l'été dernier un de mes anciens condisciples, installé depuis quelques années dans le Vermont. Bruno - que tous surnommaient Atti dans sa famille - et moi, nous nous étions connus à notre entrée en pension. Deux enfants un peu perdus, petits rois exilés. L'un venu d'Autriche, l'autre du Médoc, jetés soudain dans un monde de dortoirs froids et de prières du matin. Il m'avait souri. Et tout avait commencé là. Le même désarroi et la même inquiétude nous rapprochèrent. Nous avions trouvé l'un chez l'autre une forme de refuge silencieux. Réconfort et consolation.

Son père était peintre, un portraitiste autrichien de renom, issu d'une vieille famille de Styrie. Il peignait de magnifiques portraits dans son château presque en ruine près de Graz. L'idée de reprendre contact avec mon ami d'enfance m'était venue en découvrant la reproduction de plusieurs de ses œuvres dans un catalogue de ventes aux enchères. Parmi elles, intitulé "le fils du peintre". je reconnus avec émotion le portrait d'Atti enfant - celui-là même qui trônait jadis dans l'atelier. J'en ai déduit que son père n'était plus, et qu'avait suivi la dispersion habituelle des successions : partages, ventes, souvenirs éparpillés. Avec tout ce que cela signifie de dispersion, de liquidation, de déchirements...
 
Je me souviens du vieux schlöss, vaste et délabré, où régnait la grand-mère d'Atti, une vieille dame aux cheveux blonds et aux yeux bleus, qui n'était qu'indulgence et tendresse pour ses petits-enfants. Le père, déjà veuf, élevait seuls ses quatre enfants. Karl, l'aîné devenu magistrat, deux filles désormais heureuses mères de famille.Seul Atti, le plus jeune de la fratrie avait choisi d'aller voir ailleurs après le collège.   
 
Très proches pendant des années, au collège d'abord, unis dès le premier jour, puis pendant les vacances d'été que nos familles passaient à Bidart. Après des études en Angleterre, il quitta sa famille pour faire un tour du monde de plusieurs mois. Il m'écrivait de temps à autre. J'avais su qu'il s'était marié avec une fille rencontrée pendant ses études. Puis le silence. Pas une rupture, plutôt une lente dissipation. Comme la buée sur les vitres après l'aube. Mais le lien restait, invisible, immuable,, serein. Une année, il était venu me voir avec elle quand je vivais encore chez mes parents, dans le Médoc, avant de me proposer une virée en Espagne. Il n'avait pas changé, toujours aussi souriant et attentif aux autres. 
 
Nous avions été bien plus qu'amis de cœur à l'adolescence.Pas par jeu, ni par défi. Par évidence. Nous avions découvert ensemble le plaisir entre les draps et je crois que nous nous sommes vraiment aimés d'amour, avant de rien savoir sur ce sentiment. Les nuits blanches, la peau qui tremble, les corps encore neufs qui se cherchent pour se comprendre. C'était l'amour, avant les mots, avant les interdits.
 
On a longtemps continué de s'écrire, la plupart du temps de simples cartes postales, parfois de longues lettres enfiévrées, pleines de ratures et de feux. Souvent codées, remplies de dessins et de découpages., je les ai toutes gardées.
 
Puis nous avons grandi, muri. Nos vies ont pris des directions différentes, nos états d'âme ne vibraient plus au même diapason. L'éloignement fut naturel, sans que se  distendent nos liens d'amitié. C'est lui qui m'avait appris cette phrase-boutade de Proust qui m'a beaucoup marqué : «Je fais mieux l'amitié que l'amour». Dans mon souvenir, le plaisir partagé, donné et reçu, avec Atti, ce n'était pas mal du tout. 
 
Je pense que c'est pareil pour tout le monde. Je pense que rien jamais ne vaut le premier amour. Non pour ce qu'il promet, mais pour ce qu'il ignore. J'en ressens encore les effets en moi. L'intensité du plaisir, l'explosion de nos premières jouissances,  ces premiers éclatements de l'amour physique qui laissent un tellement fort souvenir vers 15 ou 16 ans, que tout ce que nous vivons de joyeux et harmonieux ensuite dans notre vie sexuelle d'homme, paraît toujours plus fade. 
 
Il y manque désormais cet effet de surprise, l'inattendu, l'incroyable découverte, la sensation nouvelle qui chez les êtres sains, indemnes de la pollution rance d'une morale étriquée et des peurs idiotes qu'assènent trop souvent des adultes libidineux que le plaisir et le sexe terrorisent. Quoi qu'en disent les esprits grincheux, tous ces culs de plombs  mal léchés C'est peut-être cela, la pureté. L'amour avant le langage. Deux garçons qui . Leur découverte de leur leur corps par le corps de l'autre, n'est en aucun cas malsaine, nulle  perversité ou trahison de la foi naturelle des enfants. C'est au contraire la révélation l'épanouissement de l'Amour que Dieu veut pour nous. 
 
 
Des années plus tard, quelques semaines avant mon installation à New York, j'étais parti avec mon frère et un de nos cousins dans les Pyrénées basques. Au programme de longues randonnées, de bons repas. La météo nous obligea à modérer notre enthousiasme. Il avait plu plusieurs jours d'affilée, rendant les sentiers impraticables et les balades sans intérêt. heureusement la maison où nous logions était confortable, une grande cheminée - nous étions en juillet - nous réchauffait et notre hôtesse cuisinait à merveille. 
 
Il y avait dans la chambre que j'occupais une étagère garnie de livres. J'y trouvais des trésors. J'y ai découvert un roman qui a marqué ma vie et orienté mes goûts littéraires et renforcé mes intuitions. "L'été des sept-dormants" de Jacques Mercanton a marqué ma vie, orienté mes goûts, confirmé mes intuitions. Je n'avais jamais entendu parler de cet auteur suisse pourtant célèbre. Je dévorais les deux volumes en quelques heures. 
 
Le héros me fit penser à Bruno. D'abord ils portaient le même prénom et vraisemblablement les mêmes origines sociales, autrichiens tous les deux. Bien des choses se sont ainsi faufilées pendant ces quelques jours en Haute Soule qui déterminèrent mon choix de quitter la France et de partir vivre aux États-Unis. 
 
Mon frère remarqua mon exaltation. Il me croyait amoureux. Nous n'avons jamais parlé de ce qui se tramait en moi. Je savais qu'il me fallait partir. Bruno m'avait montré le chemin. Pourtant il aura fallu des années pour qu'enfin nous puissions nous revoir. J'allais découvrir l'homme qu'il était devenu. A l'adolescence, notre amitié avait été de celles qui dépassent les mots, et nous mènent au-delà de nos attentes. Nous avons tout partagé : les secrets, les découvertes, les frissons. Depuis le premier jour, nous avons pu échapper à la peur et au doute. Cela se fit naturellement. Une proximité naturelle, immédiate. nous lia. Rien qui nous interpelle ou nous étonne. Il en était ainsi. Nous étions ensemble. "Parce que c'était lui, parce que c'était moi." Les années passèrent avec cette proximité qui n'étonna personne.Ni nos camarades, ni nos maître, encore moins nos parents. Nous étions les deux inséparables, oiseaux exotiques acceptés par tous. Parfois le bonheur des uns fait beaucoup d'ombre et trouble le cours des choses. Ce ne fut pas le cas pendant toutes ces années. notre amitié était acceptée, acquise, intégrée dans cette petite société féodale qu'était le collège. 
 

Personne jamais ne pressentit que notre relation s'amplifiait à la limite du tolérable pour cette société miniature. Les besoins et les pulsions de l'adolescence auraient pu mettre notre amitié en danger. Il n'en fut rien. Nous nous étions aimés, sans le savoir vraiment, d'un amour d'avant les définitions, les classements, les interdits. Nous étions un. Tous autour de nous s'étaient habitués à cette proximité de chaque instant. Puis la vie, naturellement, nous a conduit sur des chemins différents, L'amitié, elle, est restée, solide et tendre. C'est du moins ce que je ressens, comme une intuition. Il a simplement tourné une page mais je sais qu'il a continué - comme moi - de chérir ceux que nous étions alors et n'a jamais renié ce que nous avons vécu. J'allais en avoir le cœur net.

( à suivre )

 

06 octobre 2025

Pier Paolo Pasolini, In Memoriam

 

 

C'était il y a quelques jours le 50e anniversaire de la mort de Pasolini, crime jamais vraiment élucidé qui ne finira jamais de nous attrister, tant l'écrivain, cinéaste, poète, militant nous manque.  

Cet esprit libre, cette intelligence claire, cet amoureux de la jeunesse et de la beauté, ennemi de la bêtise, du racisme, de la haine et de tout ce qu'il y avait  de puant dans l'Italie d'après-guerre, ceux qui l'ont assassiné pensaient éliminer son esprit et sa philosophie de l'existence. 

Il n'en est rien et Pasolini, plus que jamais, dans le monde entier, reste un modèle, un symbole de la liberté et de l'amour, face à ces sombres sous-produits du diable. 

je vous recommande l'excellente publication  sur le sujet dans Gaycultes, le très agréable et gourmand blog en français de Silvano Mangano. Il contient un lien direct vers le documentaire consacré à Pasolini : ICI 


 

08 décembre 2024

Le sommeil du juste et de l'heureux...

 
C'est bientôt l'hiver. Comme les ours et les marmottes, l'humain sent l'impérieux besoin de ralentir la machine et de dormir. Les jours sont courts, le soir est vite là, tout s'assombrit soudain et la nuit vient. Cela m'a donné l'idée d'une galerie de portraits de garçons et de jeunes hommes dormant. Chut, pas de bruit ! Respectons leur sommeil. Mais rien n'empêche de rendre hommage à la beauté d'un corps apaisé, dans les bras de Morphée.

 
"Je retrouve une tête inclinée sous une chevelure nocturne, des yeux que l’allongement des paupières faisait paraître obliques, un jeune visage large et comme couché". C'est ainsi que ma chère biographe traduisit l'image que du haut de mes quarante ans passés, moi l'empereur au faîte de la gloire et de la puissance, je souhaitais transmettre de mon jeune amant, ce jeune Bithynien pur et innocent de seize ans qui rentra soudain dans ma vie et que j'ai éperdument aimé, avec qui je partageais quatre années merveilleuses, jusqu'à son sacrifice. par amour pour moi. Il n'avait pas encore tout à fait vingt ans. 

J'aimais tant le regarder dans son sommeil. Après la lutte ou la course, après nos combats amoureux, il sombrait soudain dans un sommeil profond. son visage retrouvait toute la fraîcheur de l'enfance, ses lèvres pâlissaient, ses muscles se détendaient. Le plus souvent étendu à plat-ventre, la jambe droite repliée, sa tête tournée vers le coin le plus sombre de la chambre, les bras entourant le coussin sur lequel ses belles boucles s'étalaient. 

 

Il gémissait parfois, comme un jeune chien qui rêve. La fougue de la puberté jaillissait souvent au milieu d'un rêve et quand il se tournait, son sexe soudain dressé semblait attendre, dans son rêve, ma caresse ou un baiser. Tout en lui était attendrissant et toujours beau à contempler. Tout ce qui émanait de lui était propre et pur. L'aimer était une purification, un délice qui me semblait être soudain l'égal aux dieux.

 
A te regarder dormir, cette image à jamais présente dans ma mémoire, tu restes pour moi le visage parfait, ta beauté était un rêve envoyé par les dieux. Oui, c'est cela, tu étais la figure parfaite, créée et offerte au plaisir joyeux des amants par les dieux. C’est ainsi que tu restes pour moi, et que ma poésie te chante quand m'accompagne à la lyre cet esclave aux cheveux clairs qui te pleure encore.
 
 
 
Ce sont mes larmes que le devoir m'interdit de laisser couler devant le peuple qui ne comprendrait guère que l'empereur continue de souffrir de ton sacrifice, ô mon divin, mon bel amour. Lui peut à discrétion se souvenir des doux moments où vous luttiez ensemble au gymnase, aux baisers que tu lui donnais pour te faire pardonner ta victoire à chaque fois, la supériorité de ta force. Il boudait souvent quand il sentait qu'il ne gagnerait pas. 
 
 
Je voyais bien tes efforts pour le laisser te dépasser et gagner à son tour. Antinoüs, ton cœur était immensément rempli d'amour. Sa victoire à la course, la dernière avant que le Nil ne t'accueille et te ravisse à moi. Tu avais ralenti en me regardant, tes yeux pétillaient à l'idée de la joie que tu lui ferait. Les lauriers qui t'étaient destinés, tu les as toi-même déposé sur sa belle chevelure. quelques heures plus tard, je t'ai vu déposer ton trophée sur son catafalque. J'ai ordonnée que la couronne qui comptait tant pour lui soit mise dans son sarcophage.


Cette image d'un garçon qui dort sur une plage me rappelle ce texte de Cavafy, "Sur la jetée", qui date de 1920  (Στην Προκυμαία pour faire savant sans prétention ni arrogance aucune !) : "Nuit enivrante, obscurité sur la jetée. Puis, dans la petite chambre de l’hôtel de passe — où nous nous sommes pleinement livrés à notre passion maladive ; pendant toutes ces heures, livrés à notre amour, jusqu’au moment où le jour nouveau éclaira les vitres."

 
 
 

24 novembre 2024

Sans amour...par Alphée de Mytilène

 
Malheureux ceux qui vivent sans amour : 
Toute occupation, 
Tout propos sont pénibles. 
Quand de la passion 
Vous n'êtes plus la cible. 
Quant à moi, je traîne mes jours... 
Mais que je vois celui que je vénère :
 J'irai vers lui plus vite que l'éclair. 
Aussi, ne fuyez pas le merveilleux amour : 
À la face du monde je proclame : 
Le dieu Éros est l'aiguillon de l'âme. 
  
 
Alphée de Mytilène qui vécut du temps d'Auguste, premier empereur, a laissé de nombreux épigrammes dont un certain nombre à connotations ouvertement érotiques et pédérastiques (Ce n'était pas un mot injurieux ni un concept honni chez nos aïeux). Peu de ses compositions sont arrivées jusqu'à nous. Hadrien possédait toute l’œuvre du poète dans sa bibliothèque.

26 mai 2024

La sobriété tient souvent de la grâce

 
 "Je crois que certains cœurs se sentent parfois l'objet d'une grâce. Elle peut prendre une forme très humble, conforme à un besoin particulier, une souffrance, un espoir."
(Jacques Mercanton)



 

24 mai 2024

Souriant et viril, le garçon s'approcha

 
 
Souriant et viril, le garçon s’approcha de Max avec une confiance tranquille. Ses yeux pétillaient d'une lueur malicieuse alors qu'il lui tendait la main. Sa démarche assurée et son sourire charmeur le firent rougir légèrement. Max, mal à l’aise, serra un peu trop fort cette main tendue. Cela le fit rougir. Il transpirait, furieux de ce flot de timidité qui jaillissait soudain. Le garçon allait le trouver ridicule, cela ne faisait pas de doute. Devant la grâce et simplicité qui émanaient de l’intrus, il se persuada de sa lourdeur à lui. Mais le garçon semblait heureux de lui serrer la main, heureux de le rencontrer. Max dira plus tard qu’il lui avait semblé que leur geste était suspendu dans le temps. Un instant il comprit que son coeur venait de chavirer. Un bruit derrière eux le fit revenir sur terre. C’était Anne. Elle s’était changée et portait une robe en coton, blanche et légère. elle était pieds nus et tenait à la main son chapeau de paille et un bouquet de fleurs et de feuillages. 
 

L’image était belle et le garçon se tourna vers elle, puis regarda Max et il parla enfin : "Bonjour, je m'appelle Lucas. Enchanté de faire votre connaissance," dit le garçon avec un sourire encore plus chaleureux. Max sentit son cœur battre plus fort à ces mots. Anne s'approcha doucement, apportant une douce brise de fraîcheur avec elle. Les rayons du soleil dansaient sur sa robe blanche, créant une atmosphère magique. Elle s’approcha de Max et lui prit la main. Lucas se tourna vers elle, visiblement surpris de la voir, ou bien était-ce la beauté de la jeune fille qui le troubla, mais il rougit un peu à son tour. 

Anne ressemblait à une jeune grâce de Botticelli. Max se sentit plus léger par sa présence. Une profonde énergie l'envahissait. Il savait que quelque chose de spécial était en train de se passer, quelque chose qui allait changer sa vie, leur vie, à jamais. Il regarda Lucas et il se rappela le Mercure du tableau de Botticelli...







Texte créé via  I.A. avec CANVA écriture magique. Assez bluffant. Nous nous sommes amusés à demander à l'IA de composer un texte en lui donnant quelques critères et un début d'histoire... Bluffant, mais assez effrayant tout de même. Pour la petite histoire l'IA, visiblement programmée sur des critères hétéronormés et genrés avec une base genre évangéliste assez rigoriste ne parvenait pas à nous sortir une histoire d'amour entre garçon, un début de roman gay. Il a fallu insister, recommencer, la faire reprendre, modifier pour y parvenir... Inquiétant, non ?

23 mai 2024

Une vie terminée au moment où elle semblait avoir atteint son printemps...

Ce sont les mots de Winston Churchill dans l'éloge funèbre que publia le Times en l'honneur de Rupert Brooke, ce grand poète britannique qui mourut le 23 avril 1915 à bord d'un navire-hôpital français. 

" Sa voix était devenue audible, sonore, une note avait été atteinte, plus authentique, plus excitante, plus capable de rendre justice à la noblesse de notre jeunesse que les bras engagés dans la guerre actuelle, plus capable qu'aucune autre d'exprimer les pensées de don de soi, et avec la puissance d'apporter le réconfort a ceux qui regardent ces pensées si intensément du lointain.Cette voix s'est rapidement éteinte. seul ses échos et son souvenir nous restent ; mais ils vont subsister."


 Je découvre des textes de Brooke que je ne connaissais pas. Cela me donne l'occasion de relire sa correspondance avec James Strachey qui fut son amant et la jeune Noel Olivier qui fut sa maîtresse. Il faut du temps, mais je vous reparlerai du poète dans un prochain post.

13 mai 2024

Canons esthétiques et critères de la beauté des garçons

 

Contrairement à beaucoup de gens, hommes et femmes, je ne suis pas un adepte du postérieur de mes semblables. Quand j'étais collégien et plus tard à l'université, à une époque où bien que tous plus ou moins complexés et coincés, nous nous montrions nus dans les vestiaires et sous les douches, la plupart des garçons focalisaient sur les muscles et le sexe de nos congénères, pour se moquer la plupart du temps des fluets, mal dotés par dame Nature. Bien sûr, nous étions trop bêtes pour reconnaître que notre malaise qui faisait finalement aussi partie de l'auto-éducation, sous-entendait notre honte d'en avoir une trop petite, ou trop grosse ou tordue et de n'avoir pas le gabarit de Tarzan. Billevesées, nous étions pour la plupart naturellement sveltes et bien foutus, les abdos bien dessinés, les pectoraux et les épaules, les bras et les jambes, tout était satisfaisant et comme la promesse ce que des heures de gymnase, de barres parallèles, de course et de piscine allaient façonner si on se donnait la peine de suivre le mouvement de l'éducation virile. 

 

J'étais innocent, je le restais longtemps, n'ayant aucune idée de la sexualité, et le début de ma puberté, sans vraiment m'inquiéter, m'intriguait. J'étais assez niais pour ne pas faire aussi rapidement que la plupart des autres garçons le rapport entre les changements de mon corps, l'acné, les poils qui poussent, et les premières pollutions nocturnes et l'appétit sexuel, le désir violent et la procréation. J'aurai cru quelqu'un qui m'aurait assuré que oui les garçons naissent dans les choux et les filles sans les roses déposés dans le potager et le jardin par les cigognes venues d'Alsace. A 5 ans, j'avais parait-il affirmé à une petite fille de l'école maternelle dont j'étais amoureux que si elle était d'accord on devrait écrire pour commander un bébé et on décida de chercher l'adresse du bureau des commande du côté de Strasbourg. Tout cela me semblait normal comme d'être attiré depuis la première seconde où nous fumes l'un en face de l'autre dans la cour de l'école. 

 

Pourquoi Strasbourg ? Simplement parce que nous avions à la maison un grand livre pour enfants magnifiquement illustré avec des couleurs qui me fascinaient. Une pleine page montrait des paysages d'Alsace, avec des vignes le long de collines verdoyantes, un ciel très bleu, des jeunes filles vêtues de leur costume traditionnel, des villages très beaux avec ces nids de cigogne et le mot Strasbourg que j'avais appris à déchiffrer et dont on me dit que c'était la capitale de cette belle région. Bref, sentir mon être entier attiré par la petite camarade, la plus jolie de toute l'école pour moi (je ne sais même plus à quoi elle ressemblait ni comment elle s'appelait !) me semblait naturel et bien agréable. Quand mes sens s'éveillèrent et la partie la plus intime de mon corps semblait décidée à vivre sa propre vie, je n'en fus aucunement persuadé. Je n'en fis pas non plus tout un plat.

 

Mais revenons-en à la partie charnue du corps humain. Beaucoup de gays ne jurent que par les fesses, le derrière étant pour la plupart d'entre eux le siège - pardon pour la polysémie - de l'accomplissement de leur plaisir. Pour eux l'orgasme ne passe que par la pénétration. Inutile d'enfoncer le clou, mes lecteurs savent mon peu de goût pour la sodomie, voire ma répugnance à ce mode de jouissance. Je fais partie des gens convaincus qu'on peut atteindre les sommets du plaisir sexuels avec l'autre de mille autres manières. Je m'aventure une fois encore hors des limites tolérées du sexuellement correct du milieu queer. Laissons-là le sujet pour revenir à mes propose initiaux : ce qu'il y a de remarquable et attire en premier chez un garçon. 

Démonstration par l'image :

Tout d'abord l'allure générale. Même très couvert, le corps se devine sous les épaisseurs de laine et de coton. Voilà le modèle idéal, basique, qui me fait vibrer depuis toujours. En gros, il est bien foutu, sportif, musclé mais sans outrance, la peau lisse, mate ou claire, imberbe sauf en des endroits bien précis, et le visage masculin mais avec encore un je ne sais quoi d'extrême fraîcheur, de pureté. Pas de moustache ni de barbe, sinon quelques traces sur le menton d'une barbe de quelques jours. Les cils sont longs et foncés, comme les sourcils joliment arqués, la bouche gourmande, les dents blanches et joliment alignées.

Voilà un modèle dans le plus simple appareil. Tout ce qu'il faut où il faut pour lui permettre de poser pour Praxitèle, premier artiste de tous les temps à donner la définition du parfait éphèbe, du garçon véritable digne d'amour et de louange. de son corps émane à la fois l'énergie, la volonté, la pureté. La pratique du gymnase et la proximité des livres lui donnent une aisance que tempère sa naturelle timidité. 

Tant qu'il doute encore de lui-même et ne prétend à rien qu'à apprendre et aimer, il émane de lui ce côté solaire auquel il est impossible de résister. Les anciens l'avaient compris. Notre époque a tendance à s'en récrier. L'époque est à l'enlaidissement, au travestissement, à l'hystérie. Vous l'aurez compris, pour Hadrianus, point d'ongles peints, de jupes et de falbalas, pas de tatouages, de piercings et autres scarification indigènes. En gros, cela donne ce genre de garçons (je souligne la différence que je ferai toujours entre garçon, la même que celle que nous enseignent les maîtres grecs anciens).


Pour affiner mes propos, relisons ce merveilleux sonnet de Straton de Sardes dans sa Μοῦσα παιδική (la Muse adolescente). Règle morale d'autrefois aujourd'hui décriée par les culs de plomb qui pousseraient des cris d'orfraie. Ces moralistes hypocrites mélangent tout et confondent amour partagé avec amour contraint, amitié avec pédophilie,  perversité et violence à tendresse. 
 
 
Je fais mes délices à l'extrême des garçons de douze ans ;
Mais beaucoup plus désirable est le garçon de treize ; 
Et celui qui a deux fois set ans, la plus douce fleur des Amours ;
Et qui commence à en avoir trois fois cinq, plus charmant encore.
La seizième année est l'âge des dieux. La dix-septième,
Ce n'est pas à moi qu'il convient de la rechercher, mais à Jupiter.
Si quelqu'un a le désir des plus âgés, il ne joue plus :
Il exige déjà la réplique"
 
Il est vrai qu'en Grèce comme à Rome on était pubère bien plus tôt qu'aujourd'hui. A douze ans la plupart des garçons étaient depuis longtemps sortis du gynécée pour entrer dans le monde des hommes. Souvent marié à 15, rompu aux activités sportives et militaires, il était un soldat expérimenté à 16 ans... Leur vie sexuelle était précoce.
 

 
Un poète libre d'exprimer ses goûts et son désir aujourd'hui ajouterait au moins quatre ans à l'âge de ceux dont parle le poète grec... Antinoüs a rejoint Hadrien alors qu'il n'avait pas quinze ans. Qui s'en serait offusqué à Rome, à Athènes comme à Alexandrie ? Il y a de quoi rire à imaginer les jeunes boutonneux vêtus de noir pourfendeurs de la civilisation occidentale (dont ils profitent un max soit dit en passant) occuper l'Académie et obliger Platon et Aristote a requérir les forces de l'ordre pour déloger ces freluquets outrés. Ne nous appesantissons pas sur le retour en masse des tartuffes !

Pour terminer sur le sujet et compléter ce billet bien sérieux, des explications sur l'ouvrage de Straton de Sardes. Il compila "La muse Adolescente" à l'époque d'Hadrien. Voilà ce qu'en dit l'incipit d'une traduction publiée aux Editions Le Promeneur :

"Une anthologie qui célèbre le temps des liaisons prénuptiales et rassemble pièce à pièce les éléments d'une description en acte de l'amour grec. Aimés, adulés, délaissés, torturés, les poètes du recueil (Callimaque, Méléagre, Straton lui-même) oscillent entre le lyrisme, qui occupe une petite partie du livre, et l'écriture d'une sexualité forte qu'épicent allégories graveleuses et récits paillards. Minois enjôleurs, carnations huilées, muscles gonflés : il s'agit de saisir en l'espace de quelques vers et pour ainsi dire sur le vif toutes les postures de l'éros masculin, et d'épouser jusque dans ses ramifications les plus ténues, ses manifestations les plus sensibles, l'expression d'une jouissance tranquille, d'un bonheur de la chair qu'ombre à peine parfois une nuance de mélancolie."

Voilà un résumé de la philosophie de ce blog depuis les premiers jours : parler de jouissance tranquille, raconter le bonheur partagé de la chair, un quotidien parfumé d'amour et d'amitié, seuls repères solides dans un monde devenu fou. Loin en tout cas de toutes les militances, les révoltes et les extrêmes.