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06 mars 2006

Sushis & poésie, pizza & cinéma.


Stanley Turrentine accompagne ma préparation des sushis dont nous allons nous régaler ce soir avec "gee Baby, ain't I good to you", cet air de blues que j'adore. Il a fait froid mais très beau aujourd'hui. Je rentre en France jeudi. Il ne me reste que quelques jours ici à profiter de l'atmosphère incroyable de cette ville, de notre appartement et de nos copains avec qui j'ai passé un mois formidable. Au programme : Vancouver, Montréal, Paris puis Londres et enfin Bordeaux de nouveau. Plutôt la campagne bordelaise où je vais me reposer quelques jours. ce sera vers la fin avril. En attendant, je profite de New York, de Manhattan. Il y a eu, après le blizzard et nos aventures enneigées, la découverte de deux ou trois nouveaux restaurants et petits cafés sympa, une rencontre avec un proche de O'Hara qui m'a parlé longuement de lui. Je suis de moins en moins chaud pour traduire ce monument de la poésie contemporaine américaine. Il y a chez ce personnage un côté Pasolinien que j'aime peu. Cette soif de fête, de baise. Cette instabilité avérée. Pourtant sa description du quotidien new yorkais est géniale, ses vers sur les petites choses de tous les jours sont fascinants... Quand je le lis je revois "smoke" ou Manhattan de Woody Allen, je respire l'air qu'il a respiré et je comprends ce qu'il a ressenti en se promenant dans les rues de la ville. Bon on verra, je vais retourner à mes sushis.
Le rice cooker laisse échapper une douce odeur Ce riz parfumé trouvé chez Zabar's est délicieux. Roy Orbison chante California Blue. Vendredi, nous avons été avec Ben voir "Ultra Violet", un nouveau film assez speed, mais efficace et hélas prémonitoire. Après le cinéma, dîner chez Freddie and Pepper's, la pizzeria sur Amsterdam Avenue. Benedict a un peu trop bu comme d'habitude. C'est incroyable comme ce garçon, qui n'a aucun vice, peut facilement se mettre à boire. Il a bu à lui tout seul la moitié du Valpolicella. Bon ça a des bons côtés : Comme d'habitude il devient assez câlin dans ces moments-là. Il a fini par dormir presque à poil entre son frère et moi, oubliant sa pudeur et se fichant de la gêne suscitée chez son frère, toujours un peu offusqué des libertés de son frère ivre. Beau spectacle tout de même que ce jeune éphèbe lisse et musclé, lové contre nous, en toute innocence. Brinkley a fini par le déloger en lui léchant la figure vers une heure du matin. Bien entendu le petit frère grognon, s'est levé en râlant après le chien, assez fort pour nous réveiller. Tant mieux, cela nous a donné quelques idées à David et à moi, une fois Ben reparti dans sa chambre...

14 février 2006

Merci blizzard !



Grâce au blizzard qui fige tout, au thermomètre qui n'en finit pas de descendre, à ma direction qui a besoin de moi ici, je viens de finir la troisième partie de ma traduction. Encore quelques semaines de travail et le manuscrit sera prêt pour la correction. J'ai hâte de voir ce poète lu en français. J’espère ne pas l'avoir trop trahi. La dernière traduction que j'ai eu la joie de publier m'a valu les éloges des critiques francophones du Canada. Si je pouvais faire de l'écriture mon premier job… Un rêve… Rester ici et ne plus faire qu’écrire, ou bien partir nous installer dans le Vermont et écrire. David est tombé en sortant de chez le pâtissier, égratigné et décoiffé, il est de très méchante humeur. Une bonne douche va le remettre d'aplomb et lui faire retrouver son fair-play de jeune homme de bonne famille. Benedict se fiche de lui et a pris le journal sur la figure… Bon, PAX, les enfants. Une tasse de thé et tout ira mieux. Tiens, Tony Bennett à la radio, "that lucky old sun roll around haven the all day", cela devrait aider !
Will s'intéresse à mes notes. Il aime bien le Cavafy que je viens de lui acheter. Nous avons trouvé aussi un vieux vinyle génial, la bande originale du show "Tom Brown's Schooldays", un musical des années 70 qui a eu pas mal de succès ici à Broadway mais surtout à Londres. Le chat et le chien ne font que dormir. La cuisine est un frigo, le radiateur ne marche plus. Fawcy, l'homme d'entretien portoricain qui sourit tout le temps, est venu voir mais l'engin semble mort. Nous faisons la cuisine avec deux pulls. Cela change des hot cooking preparation de l'été dernier où, vêtus seulement d’un caleçon sous le tablier, nous faisions des jeux olé olé, Dave et moi. Gros fous-rires et désir s’exhalant au milieu des bonnes senteurs de nos plats...
Mais, ne rêvez-pas je ne vous dirai rien de plus. Non mais. Il y a des mineurs ici qui pourraient comprendre mes billets en français ! Ils sont bien assez éveillés cela étant, et je suis presque sûr que quelque chose s'est passé entre eux ces derniers jours. Ben est maintenant un peu agressif avec Will, mais il se radoucit très vite. Will est très patient, très doux et presque câlin avec le petit frère...
Mon dieu, pas de prosélytisme. Dans la conversation hier, Ben ne disait plus « je suis hétéro » mais « c'est bien d'être bi, ils ont l'esprit plus large et connaissent plus de trucs ». David m'a regardé en retenant un fou rire. Restons sérieux, l'essentiel c'est qu'ils soient équilibrés et heureux et tranquilles. Bon mais je ne suis pas leur mère, moi.
Zut, ils ont terminé le cheesecake.

13 février 2006

New-York n'a jamais été aussi beau

Une atmosphère de rêve ou de dessins animés. Vous savez un de ces trucs avec la musique de Tom Jones derrière. Les restaurants sont vides. Chacun se dépêche de rentrer chez soi, surtout ceux qui habitent en banlieue. Les magasins gardent les clients plus longtemps qui hésitent à repartir dans le froid. Il y a presque un mètre de neige dans les jardins et les parcs. C'est sublime. Nous avons fait avec les garçons un bonhomme de neige géant. Il avait même une carotte en guise de nez. Bref, nous jouons comme des gosses. Merveilleux !

Will

Il est mignon. Il est assis sur le pouf en cuir près du feu, le chien presque vautré sur ses genoux. Il porte un gros pull rouge et Ben, couché devant le feu a posé sa tête sur les jambes de son copain ou bien est-ce sur le dos du chien, je ne vois pas bien depuis l’endroit où je suis assis. Il lit Garfield. A la radio c'est Chicago qui chante "you're the inspiration". Pas nouveau ça (1990-95?), pourtant ça plait aux garçons.
Nous avons dîné d'une omelette aux champignons parfumés et à l'aillé (trouvé au rayon frais de Zabar's, quand je suis allé acheter le riz et les fromages pour le risotto de midi). Je suis heureux avec David bien que nous ne puissions vivre toujours ensemble, lui travaillant ici et moi faisant des allers-retours entre New-York, Londres et la France... Mais parfois, la fraîcheur des garçons comme Will et Benedict, comme le petit jardinier rencontré l'autre jour sur MSN et qui vit à Nantes, ou Ladislas, le jeune musicien rencontré dans le train Paris-Bordeaux le mois dernier, m'attirent et mon désir se fait intenable. J'ai pourtant passé l'âge de courir après tous les corps adolescents qui s'offrent souvent volontiers, le plus souvent sans souci du lendemain. Je veux rester fidèle comme David m'est fidèle.
L’assouvissement des pulsions et l’infidélité sont en contradiction avec mon éthique de vie, ma conception de l’amour. Succomber au désir sans  entrave est trop la règle dans ce milieu homo que je déteste et que nous fréquentons le moins possible. Tirer sur tout ce qui bouge et consommer comme on respire. La baise pour la baise... Berk.
J'aime faire l'amour. J'adore les corps d'ados, surtout ici où la plupart des garçons respire la santé, où ils sont beaux, musclés et la plupart du temps circoncis comme moi ;  mais j'aime aimer, pleurer, m'inquiéter de savoir si mon amour est partagé, laisser monter mon désir et espérer jusqu'à ce que celui que j'aime veuille s'unir à moi, et en partageant le même plaisir, partager le même bonheur. C'est surement la chanson de Ricky Martin "I don't care" qu'écoutent les garçons qui me fait écrire tout ça. Ils dansent avec le chien maintenant !
Les homophobes, comme la mode appelle ceux qui ne partagent pas le goût des garçons pour les garçons, critiquent à juste titre cette incapacité de la plupart des homos à vivre une relation stable, une sexualité retenue, bridée par la fidélité et le respect d'eux-mêmes. Je suis d'accord avec eux, au risque de me faire lapider par les militants gays new-yorkais ou parisiens... Je ne suis heureux dans ma sexualité et dans ma relation amoureuse que lorsqu'elle est stable et respectueuse de l'autre. Les coups d’un soir laissent toujours un goût d’amertume et le corps se sent sale. Non, je n’aime pas ces comportements outrés, provocateurs, jamais repus… Si je suis capable de vivre une relation passionnée, et intense, je la savoure bien plus quand elle est apaisée, physiquement posée, paisible, même si l'amour reste ardent et nos nuits ma foi assez agitées et chaudes - malgré la température extérieure...
Ces notes écrites avec en fond sonore Audra McDonald "your daddy's son".
Les garçons font du bruit, j'ai mis un casque et fermé la porte. David vient de faire un thé vert bouillant avec du Cointreau. Un régal pour affronter la froidure.