Il est mignon. Il est assis sur le pouf en cuir
près du feu, le chien presque vautré sur ses genoux. Il porte un gros pull
rouge et Ben, couché devant le feu a posé sa tête sur les jambes de son copain
ou bien est-ce sur le dos du chien, je ne vois pas bien depuis l’endroit où je
suis assis. Il lit Garfield. A la radio c'est Chicago qui chante "you're the inspiration". Pas
nouveau ça (1990-95?), pourtant ça plait aux garçons.
Nous avons dîné d'une omelette aux champignons
parfumés et à l'aillé (trouvé au rayon frais de Zabar's, quand je suis allé
acheter le riz et les fromages pour le risotto de midi). Je suis heureux avec
David bien que nous ne puissions vivre toujours ensemble, lui travaillant ici
et moi faisant des allers-retours entre New-York, Londres et la France... Mais
parfois, la fraîcheur des garçons comme Will et Benedict, comme le petit
jardinier rencontré l'autre jour sur MSN et qui vit à Nantes, ou Ladislas, le
jeune musicien rencontré dans le train Paris-Bordeaux le mois dernier,
m'attirent et mon désir se fait intenable. J'ai pourtant passé l'âge de courir
après tous les corps adolescents qui s'offrent souvent volontiers, le plus
souvent sans souci du lendemain. Je veux rester fidèle comme David m'est
fidèle.
L’assouvissement des pulsions et l’infidélité sont
en contradiction avec mon éthique de vie, ma conception de l’amour. Succomber
au désir sans entrave est trop la règle
dans ce milieu homo que je déteste et que nous fréquentons le moins possible.
Tirer sur tout ce qui bouge et consommer comme on respire. La baise pour la
baise... Berk.
J'aime faire l'amour. J'adore les corps d'ados,
surtout ici où la plupart des garçons respire la santé, où ils sont beaux,
musclés et la plupart du temps circoncis comme moi ; mais j'aime aimer, pleurer, m'inquiéter de
savoir si mon amour est partagé, laisser monter mon désir et espérer jusqu'à ce
que celui que j'aime veuille s'unir à moi, et en partageant le même plaisir,
partager le même bonheur. C'est surement la chanson de Ricky Martin "I don't care" qu'écoutent les
garçons qui me fait écrire tout ça. Ils dansent avec le chien maintenant !
Les homophobes, comme la mode appelle ceux qui ne
partagent pas le goût des garçons pour les garçons, critiquent à juste titre
cette incapacité de la plupart des homos à vivre une relation stable, une
sexualité retenue, bridée par la fidélité et le respect d'eux-mêmes. Je suis
d'accord avec eux, au risque de me faire lapider par les militants gays
new-yorkais ou parisiens... Je ne suis heureux dans ma sexualité et dans ma
relation amoureuse que lorsqu'elle est stable et respectueuse de l'autre. Les
coups d’un soir laissent toujours un goût d’amertume et le corps se sent sale. Non,
je n’aime pas ces comportements outrés, provocateurs, jamais repus… Si je suis
capable de vivre une relation passionnée, et intense, je la savoure bien plus quand
elle est apaisée, physiquement posée, paisible, même si l'amour reste ardent et
nos nuits ma foi assez agitées et chaudes - malgré la température extérieure...
Ces notes écrites avec en fond sonore Audra
McDonald "your daddy's son".
Les garçons font du bruit, j'ai mis un casque et
fermé la porte. David vient de faire un thé vert bouillant avec du Cointreau.
Un régal pour affronter la froidure.
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