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Jeune félin, lectures et Good Riddance Day
24 décembre 2022
Les joyeux lutins de Noël
27 novembre 2022
Ton regard qui soudain plongea dans le mien (suite et fin)
... Je me souviens de chacun de nos gestes de cette première fois tant désirée et tant de fois remise... Je me souviens quand il prit ma tête de ses deux mains la haussant jusqu'à ses lèvres, couvrant de baisers mon visage mouillé par la sueur, se plongeant jusqu'aux yeux dans ma chevelure touffue... Entraînés par ce jeu haletant, nous nous sentions chacun à la fois envahi et dominant. La vie bouillonnait en nous, plus forte que jamais, avec son goût de sueur et de sang. Comme si d'avoir si longtemps attendu, hésité avait accru en nous, jusqu'à la folie, le goût de jouir. Ce moment d'amour tendre et violent en même temps était la célébration et l'accomplissement de notre jeunesse, de la virilité de nos jeunes corps, la démonstration de notre force et l'explosion d'une évidence pressentie jaillissant enfin dans le plaisir partagé.
Une grimace de désir intense, presque méchant élargit la figure de Mark, il souhaitait que je le possède. Il retenait son souffle, m'interrogeait du regard. Nous avions à plusieurs reprises évoqué nos visions du sexe, de nos envies et de nos expériences. J'ai toujours été réticent face à la pénétration. Par atavisme religieux peut-être, elle me paraissait naturelle avec la femme, puisque nos corps différents et complémentaires ont été créés pour la reproduction, pour donner la vie et assurer notre immortalité. Pénétrer un garçon, jouir dans son cul ou dans sa bouche ne m'est pas naturel. La souffrance pour celui qui est pénétré, si elle laisse physiologiquement rapidement la place au plaisir, n'en demeure pas moins pour moi une grande violence contre-nature ou anti-nature. Mark, élevé dans la rigueur méthodiste, partageait mes réticences. Nous avions chacun eu des filles, apprenant à chaque fois un peu mieux les besoins et les réactions de cette partie de notre corps dont on ne parle pas, qu'on cache mais que tous les garçons vénèrent autant qu'ils la rejettent et souhaitent l'oublier, surtout dans les débuts, lorsque l'éros s'empare de nous. Nous n'avions jamais connu la sodomie, "ni top ni bottom" était notre credo. Notre définition de l'amour physique...
Mais ce soir-là, dans cette petite chambre du campus, nos corps aimantés s'ouvraient à tout, tellement fort était notre désir de l'autre. Je cherchais mon chemin. Je souris à mon tour et dans une longue embrassade, les mollets de Mark appuyés sur mes épaules, de tout mon poids, de toute ma dureté onctueuse, je pénétrais en lui. Mais ce fut lui qui, comme une femme, conduisit la bestiale oscillation des corps, ralentissant le rythme en retenant mes hanches ou l'accélérant suivant son exigence, jusqu'à l'instant où nos têtes volèrent en éclat. Il poussa un long gémissement et notre jouissance éclata en même temps... après les Doors, la musique qui accompagna l'explosion heureuse de notre première fois venait d'un vieux disque que Mark avait pris chez ses parents, "Accentuate the positive" interprété par les Andrews Sisters... leurs voix accompagnèrent souvent - et accompagnent parfois encore - nos jeux amoureux.
Bon dimanche à mes lecteurs francophones et aux anglophones d'ici et d'ailleurs. Gardez précisément le souvenir de vos premières fois. Cela console un jour, cela aide toujours à ne jamais cesser d'aimer, à résister à l'idée qu'il y a toujours mieux que ce qui nous est donné.
Ton regard qui soudain plongea dans le mien
Parfois, au début de notre liaison, quand nous ne vivions pas encore ensemble, que Mark partageait une piaule sur le campus de son université avec Leonard puis avec Vince et que j'occupais l'appartement du sixième, petit, débordant de livres et de disques, nos nuits communes étaient un évènement, une fête illuminée par la passion. Nous nous retrouvions les week-ends où Mark ne rentrait pas chez ses parents à Baltimore, souvent aussi, il me rejoignait chez moi. Le concierge avait compris qui nous étions l'un pour l'autre et son sourire complice nous amusait. Puis j'avais donné une clé à Mark. C'était rarement pour la nuit. Plutôt l'après-midi. Nous sautions des cours où lors d'un entraînement terminé plus tôt. Il était soudain devant moi, avec son sourire magique et nous nous aimions jusque tard dans la soirée... Au début, je le rejoignais sur le campus. Il me prévenait quand son room mate était absent. Leonard rejoignait souvent sa Lisa sa petite amie de l'époque - devenue sa femme depuis - dans sa chambre à Barbnard. Je me souviens de notre première fois. La chambre, pareille à un décor de films pour adolescents, des livres partout, des fanions de l'Ivy League, le plaid écossais sur le lit, les posters... Mark avait posé un t-shirt bleu sur l'abat-jour près de son lit et mis des bougies sur le bureau... En d'autres cas, d'autres lieux, j'aurais trouvé tout cela un peu outré, voire ridicule... Trop souvent les amours viriles refusent de s'encombrer de fanfreluches. Ni Mark ni moi ne sommes du genre "pussy", "bugger" ou "friends of Dorothy". La tendresse éprouvée l'un pour l'autre n'a jamais étouffé notre virilité. Un ami parisien, très féminin, qui parle d'un de ses nombreux fiancés - caricature ou archétype du gay des années 2000 - en disant "ma femme" ou "mon mari" selon les circonstances, me reprochait d'aimer les garçons comme un boy-scout. Je revendique, même à quarante ans passés ! Tendresse, sensualité mais virilité toujours.
D'où notre difficulté à comprendre le discours victimaire anti-amour des LGBT and co d'aujourd'hui. Leur doxa imposée : non seulement le placard est une honte, une injure faite aux homos qui s'assument et souffrent parfois le martyre, mais l'attirance pour les personnes du même sexe induit que l'attiré est une anomalie puisque sa vraie nature est féminine. Il doit donc de considérer ni mâle ni femelle, mais autre ou pire, il est une femme, donc il doit envisager de se faire opérer... Je sais, je caricature. Pourtant, cette obsession de la déconstruction et cette obsession de sacraliser la victimisation semble nous conduire dans le mur, celui que dressent la haine et l'hypocrisie...
Mais revenons à notre première fois, complète, sur le campus de Columbia... Tu m'attendais, assis sur ton lit. A peine revenu de la douche, simplement vêtu d'un slip blanc et d'un t-shirt. Tu essuyais tes jambes où couraient encore quelques gouttes d'eau ; tes cheveux mouillés bouclaient et te tombaient sur les yeux. Quand je suis rentré, tu as levé les yeux et tu m'as souri. Ce sourire, je le vois chaque jour plein de fois mais c'est toujours un bonheur de sentir qu'il m'est adressé et qu'il me dit mille mots d'amour... J'avais devant moi l'Amour et la Beauté !
09 novembre 2022
Je ne connaissais rien de l'amour mais soudain devant lui j'ai su...
Bref, parler de l'affection qu'un garçon peut ressentir soudain ou qui s'insinue peu à peu et se fait réciproque, c'est un interdit. Cela gêne. Comme si aborder cette relation devait automatiquement insinuer une virilité, un combat, une forme de violence entre deux frères-de-sang adulte ; comme si l’amitié était un truc fade, puéril, relégué aux souvenirs de la cour de récréation et liés à nos jeux d’enfant, aux guerres et autres échanges de gouttes de sang. Comme si l’amitié entre deux garçons insinuait une perdition, un amour impossible, une image dégradante et fortement homo-sexuée. Et puis quand bien même...
Ces premiers frissons, ce désir que nous ne savons pas nommer, ce trouble nouveau qui s'immisce, nous avons tous ressenti cela à un moment ou un autre. La passion absolue, cette amitié virile entre deux adolescents qui entrent de plein fouet dans le monde adulte, celui des déconvenues et de l'impureté. Ils apprendront un jour le mot qui caractérise tout cela, l'incomplétude. Ils réaliseront qu'ils ne son,t pas des dieux quand l'image d'eux que le monde leur renvoyait trop longtemps les fit se prendre pour des demi-dieux...
Repris l'autre soir "Les Garçons perdus", ce livre de Arnaud Cathrine et Eric Cavacaca qui m'avait beaucoup marqué à sa parution. Une fiction ? Un reportage ? On hésite tant tout semble vrai, fort, réellement vécu et au fil des pages, mille souvenirs qu'on croyait oubliés refont surface. Joyeux et douloureux à la fois...
Deux jeunes garçons, presqu'encore des enfants, deux jeunes mâles que tout oppose : l’un est soucieux de sa virilité, un peu teigneux,bien charpenté, à l’humour offensif, brillant en tout. Il impressionne quiconque s’adresse à lui. est le fer de lance, l’ami à avoir, le compagnon à côtoyer, le pote à inviter, l’idole. L’autre est tout le contraire, transparent, invisible, beau mais chétif, mal à l'aise dans un corps trop frêle pour être respecté, impopulaire à souhait. Autour de lui sifflent le jugement impitoyable des autres garçons qui le traitent de "Tarlouze" ou de "fiotte... Il n'a qu'une hâte : quitter l'enfer du lycée pour échapper à ces tensions perpétuelles.
Ce qui les rapproche l’un de l’autre : une histoire d’alter ego, l’un sublimant l’autre, l’autre donnant le change à l’un. La nuit et le jour, l’ombre et la lumière.
On pourrait croire à une histoire sans idéaux, dans l’ennui de l’adolescence et de ces rencontres qui construisent et se perdent dans les dédales de la vie adulte. C’est bien autre chose que nous raconte cette histoire de garçons perdus. C’est la force et l’émotion, la suprématie de celui qui s’égare et l’éclosion de celui qui devient, la vie et la mort, les pertes de repères et les désillusions, les trajectoires qui ne tiennent qu’à un fil, un mot, les fils qui se construisent, deviennent romans, quand d’autres s’isolent et se cassent.
12 octobre 2022
Retrouvailles avec l'art antique et la représentation du Beau : le travail de Troy Schooneman
Dans la statuaire hellénique puis romaine, la jeunesse est toujours habilement représentée. Les bustes que j'ai connu empereur, et dont j'ai orné Rome et mes autres capitales, mes palais et les jardins de mes villas comme le firent tous ceux qui m'ont précédé et ceux qui me suivirent au cours des siècles et des civilisations qui ont succédé à la nôtre, ces portraits de jeunes athlètes, de princes et de patriciens, les représentations des dieux de l'Olympe sont bien souvent mutilées aujourd'hui. Quelle ne fut pas ma surprise quand je découvris l’œuvre d'un jeune artiste qui sculpte les corps des demi-dieux avec un appareil photo.
L'artiste qui est australien, se nomme Troy Shooneman. Son site : https://www.troyschooneman.com/
Tous les clichés © Troy Schooneman
Ode to Nietzsche |