j'aime les mots. J'aime les aligner et tenter ainsi de transcrire/transmettre tout ce que j'ai envie de partager. a ceux que j'aime. Aux étrangers aussi que me lie bientôt cette complicité de celui qui écrit à celui qui le lit. Même s'ils ne se rencontrent jamais. peu à peu se construit une familiarité. On se reconnait dans celui dont les écrits semblent faites pour nous et celui qui en est l'auteur s'imagine parfois dans la peau de celui qui découvre ce qu'il a écrit. Bienheureux l'auteur dont un seul mot, une simple phrase aura retenti dans le cœur d'un lecteur. Même juste un seul, unique découvreur que la providence a mis en présence d'une page où s'inscrit clairement ce dont nous avions l'intuition. Le besoin aussi. Impérieux. Et ces mots soudain nous sauvent. Une réponse à nos questionnements. Évidence que nous ne savions pas entendre et qui s'impose soudain par la magie d'un livre tombé entre nos mains... Des signes assemblés qui ont peut-être laissés indifférents des centaines de lecteurs avant nous et qui soudain nous explosent à la figure. Pour signifier au moment où on les déchiffre exactement ce que nous attendions. Mystères de l'écriture et de la lecture. ces hasards qui ne peuvent pas en être...
Se savoir, malgré soi toujours - car on ne peut en faire l'objectif du travail d'écriture - un aiguilleur de pensée. Bien prétentieuses pensées quand on vit chaque jour dans le monde impitoyable des finances en plein Manhattan, avec des gens de tous âges et de toutes origines qui semblent n'avoir de coït qu'à l'annonce de résultats boursiers toujours plus aléatoires mais qui dégagent toujours plus de pognon. Ils carburent à la coke, aux alcools forts et au sexe. Je traverse cet univers et je ne passe jamais devant une glace (notamment celle de l'ascenseur qui me porte jusqu'à mon bureau de Madison Avenue) sans me demander comment je parviens depuis tant d'années à résister à leurs sirènes (leurs démons ?)...
Est-ce à cause de mon enfance de l'autre côté de l'Atlantique, passée à courir dans les vignes ou sur les plages du médoc ? est-ce l'amour que j'ai toujours reçu et toujours recherché. Celui des miens, de mes parents et grands-parents, celui de mes amis dont les liens comptent tellement pour moi. Sans ambiguïté, mais toujours avec désir et ardeur. ce qu'ici on nomme bromance, je l'ai tellement pratiqué dans mes années d'adolescence... Je crois que tout cela m'a préservé de tomber dans cette façon de vivre (non-vivre ?) qui fait d'un homme de 35 ans un vieillard cynique et revenu de tout à la santé précaire et qui dépend davantage de l'importance du compte en banque que du nombre d'amis sincères.
Il y a aussi celui avec qui je partage mes jours. Discrètement - je crois qu'aucun de mes collègues de travail ne sait la nature de nos relations et c'est bien ainsi - jour après jour, nous grandissons ensemble. Car c'est de cela dont il s'agit et qui nous préserve des écueils communs aux couples, all genders confondus. Pas de vieillir ensemble, bien que ce fait soit évident et obligé - et tant mieux non ? Grandir ensemble. apprendre la vie ensemble, affronter le quotidien avec l'appui et le soutien, le regard de l'autre. Cela nous préserve aussi des mauvaises habitudes du milieu : les plans, le sexe absolu, le désir permanent vécu comme un instinct de prédateur, l'insatisfaction annoncée après la prise dans nos rets de la proie (quand ce n'est pas le chasseur la proie...) et désirée aussi comme une dose supplémentaire d'adrénaline...
Cela n'empêche pas d'aimer la beauté comme je l'ai toujours aimée depuis que j'ai des yeux pour voir. Cette fraîcheur qui fut la mienne et que je ne voyais que chez les autres. Cette beauté à laquelle je me mesurais et que je désirais ardemment. Tous les autres moi-même que je croisais sur mon chemin, je les retrouve dans ces garçons ardents et rayonnants qu'on croise à chaque instant. certains, déjà roués, sont conscients de leur aura et pavanent comme des paons. D'autres, enfoncés dans leurs doutes et la peur aussi de se jeter à leur tour dans la mêlée, qui rayonnent encore davantage tant rien dans leur attitude n'est artificiel. Ils ne cherchent pas à plaire et croient ne pouvoir jamais y parvenir. Ceux-là sont les plus beaux, les plus attirants. Je les vois, je les repère vite mais je ne les désire pas.
On ne peut consommer la beauté. Elle est avant tout un passage, un moyen. Jamais une fin. Quand par un heureux hasard on se retrouve entre deux draps avec un corps somptueux, une âme ardente et une intelligence acérée, un garçon qui vit autrement qu'avec sa queue, on a un instant l'illusion que baiser avec lui sera le must. Il n'en est rien. Jamais. Lumière éteinte, le visage le plus ingrat surpasse en ardeur l'éphèbe le plus magnifique de la planète. mais quand l'amour surgit, l'autre devient le plus beau, le plus intelligent, le plus ardent de tous les êtres que dieu a fait naître sur cette terre... Aimer une apparence ne porte en soi que des désillusions. Du vent. mais regarder le vent souffler dans les dunes et faire pencher en tous sens les herbes et voler les algues séchées et le sable est chose belle et nécessaire aussi. Cela nous lave les yeux. Ce blog est avant tout un moyen de se laver les yeux. La beauté y est omniprésente, selon mes critères. Je ne ceux y montrer que la vénusté des jeunes gens, ces traces bientôt disparues sur leur visage, de l'angélique pureté qu'une virilité toute neuve embellit. Cette extrême beauté ne dure que quelques mois, voire quelques semaines. Chez certains garçons aux âmes bien nées, elle laisse de jolies reliques qui les accompagneront toute leur vie durant...
Mais revenons aux mots. Un lecteur m'écrivait récemment que mon écriture, dans sa lenteur et sa périodicité, rythmée, sans heurt, pourrait évoquer l'ennui. Il pensait davantage à un froissement d'étoffe. Un tissu épais, riche mais sans ostentation... Compliment qui tranche sur les messages reçus pour me féliciter du choix des beaux corps tout remplis d'une virilité toute jeune que beaucoup aimeraient posséder, dans tous les sens possibles du terme... Si c'est de tweed dont il s'agit, alors je revendique. la soie m'aurait embarrassé, tout autant que le cachemire. Le lycra m'aurait épouvanté. Je vis dans le pays de tous les mauvais goûts, mais j'aime qu'on imagine mes mots et donc ma vie comme un tissu agréable à porter. Élégant à regarder... Ma prose assimilée au confort britannique ! Merci.