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19 mai 2020

L'Origine du monde...


Le narcissisme ambiant favorisé par la mode des réseaux sociaux répand partout des images qu'on avait peu l'habitude autrefois de voir en dehors des murs de la chambre ou du vestiaire. Les selfies sont monnaie courante et cela devient comme un défi pour beaucoup. Il faut être vu, comptabiliser les "like" et additionner les "followers".


On devient ainsi une "personne publique" sur le net. Une rude concurrence apparait à la suite de cet étalage de torses musclés et épilés, ces visages fardés ou photoshopés, ces sourires immaculés qui ressemblent à des publicités pour orthodontistes... Mais l'image s'arrête à la ceinture et il faut cacher tout ce qui se trouve plus bas sous peine de voir son compte fermé ou ses photos censurées comme le font Tumblr, Instagram, Facebook, twitter et d'autres... Pourtant, la nudité est naturelle, notre anatomie est ce qu'elle est, pourquoi la cacher ?


La nudité est partout mais l'hypocrite pubibonderie des yankees pose des limites. Malheur à qui montre un peu trop son pubis ou sa queue. Horreur suprême, la partie de notre anatomie qui occupe une grande partie du cerveau des garçons de l'adolescence à la vieillesse doit restée cachée. Tabou. Berk, pas beau. Et pourtant nous sommes au XXIe siècle et, grâce en soit rendue au ciel, le monde n'est pas gouverné par les pires hypocrites de toute l'humanité, les mollahs islamistes mentalement attardés au début du moyen-âge. 



Le sexe de l'homme n'est-il pas un morceau de viande commun à tous. La forme, la taille varient mais nous avons tous la même chose entre les jambes. En quoi se montrer ainsi, dans ce que les moralistes censeurs d'internet appellent la "nudité frontale", est-elle répréhensible ? Pour les petits garçons qui savent bien ce qu'ils ont aussi entre les jambes et qui ont besoin de savoir ce que ça va devenir quand ils grandiront. Tous n'ont pas un grand frère ou un cousin plus âgé, tous ne vont pas en famille passer leur vacances dans des camps naturistes... Protéger les enfants de la pornographie est une chose. On sait que la violence des images peut durablement blesser un enfant. De plus, la plupart des vidéos qui sont diffusées montrent une sexualité dévoyée, stéréotypée qui peut engendre chez ces jeunes voyeurs des conduites sexuelles aberrantes, une conception erronée de l'amour physique, qui ne passe que par la violence et le mépris du corps de l'autre... 
 
Joe Dalessandro, l'égérie d'Andy Warhol
Pourtant, croyant ou pas, c'est vrai que nous sommes faits à l'image de dieu ou des dieux et la contemplation d'un beau mec, bien fichu, au corps sain et bien proportionné est une bonheur pour les yeux mais aussi un modèle, une inspiration pour le jeune qui comprendra la nécessité de faire de la natation, de la gym ou toute autre activité physique qui embellira son corps, fera croître ses muscles et développera assurance et détermination. Alors militons pour que soient abolis ces règlements pudibonds imposés par Google et les évangélistes, les islamistes et les juifs orthodoxes. 


Laissons les gens se montrer en toute simplicité, montrons que nous sommes à l'aise avec notre corps, rappelons que la beauté n'est jamais une offense. Apprenons à nos enfants à aimer leur corps en aimant regarder celui des autres. Retrouvons la simplicité du gymnase athénien ou des thermes romains. Acceptons la vraie virilité qui consiste à ne pas avoir peur de paraître nu autrement que dans un esprit de provocation ou de compétition, ce "la mienne est plus grosse que la tienne"... Voilà quelques images pour illustrer les propos d'Hadrien. Des exemples de garçons dans le plus simple appareil et avec un sourire joyeux, un regard épanoui. L'harmonie de la nature !

Laissons-les se déshabiller devant nos yeux sans qu'ils soient gênés, sans que nous soyons troublés. La beauté et na nature ne sont jamais un scandale ! Et FUCK à ceux qui y trouvent à redire ! 



10 mai 2020

Le délicieux Pablo Mezz


A part of me



Belle chanson composée et chantée par l'acteur mexicain Pablo Mezz qui rayonne dans le très beau film que je revois toujours avec joie, "Velociraptor", mélange intelligent de drame, de science-fiction et de Romance,  brillante exploration de l’amitié masculine et du désir quand on est jeune et à la découverte de soi.Une sorte de rêve en image, très émouvant comme la beauté de Pablo, brun à la peau très claire, au jeu tout en nuance, posé mais dont chaque geste, chaque mouvement fait remonter mille choses enfouies chez le spectateur. 


Dans ce clip, Pablo Mezz a mûri, ses traits se sont un peu durcis et il porte désormais ses beaux cheveux,  bouclés comme ceux d'Antinoüs - qui devait certainement être brun comme lui - lissés avec une fine barbe comme le veulent les conventions esthétiques actuelles hélas. heureusement, son buste imberbe et pas trop abîmé par la musculation et les stéroïdes, reste celui de l'époque du film. Viril, solide mais attendrissant... 




Hadrien restera toujours soumis dans ses attirances et ses goûts aux canons de  l'esthétique de la palestre grecque, ceux vantés par Platon et Socrate... Il y a un monde entre l'homme et le garçon. Savoir que ce moment de l'absolue beauté ne dure qu'un temps très court dans nos vies rend précieuse la contemplation des jeunes hommes. Elle fait de nous l'égal des dieux quand il nous est donné de pouvoir aimer de telles créatures.


Photos extraites du film "Velociraptor".

09 mai 2020

Doux confinement


Autoportrait de l'artiste et de son ami dans la salle de bains

Matin tranquille

© Mark Seliger - april 2020
9h45. Le ciel est gris, on dirait un ciel irlandais. Il fait frais. Tout est calme... Les pancakes sont au chaud et le jus d'orange fraîchement versé dans les verres. Le chien a fait sa petite sortie du matin. Il ne devrait pas pleuvoir. C'est le Mother's day sans grandes réjouissances puisque tout ou presque est annulé ou reporté. Lockdown oblige. Notre quartier est le plus souvent tranquille surtout le pâté de maison où nous vivons, mais on ne peut rester plus de cinq minutes sans voir une voiture passer, ou se garer ou klaxonner et les taxis circulent en permanence. Du moins c'était comme cela depuis toujours jusqu'à l'arrivée du covid-19. L'empaffé. Pourtant je crois que nous sommes nombreux -surtout parmi les européens d'ici, les artistes, les plus vieux comme les plus jeunes à aimer ce temps arrêté par endroit, ralenti ailleurs. Hier en fin d'après-midi, j'ai même vu trois gamins en train de jouer aux billes ou un truc du genre sur le bord de la chaussée, à l'emplacement habituel des automobiles disparues. Ils ne sont pas restés longtemps, des policiers les ayant fait décamper. Nous ne sommes pas dans le Bronx. Tout est très civil ici. 
 
© Mark Seliger - april 2020
Bref, c'est une grande joie que de vivre au ralenti dans la ville qui ne dort jamais. La voilà presque devenue la Belle endormie. Combien j'espère qu'elle reste le plus longtemps possible dans cette apathie presque totale. Les chantiers sont arrêtés pour la plupart, les bus et les métros presque vides et la nuit, à part les patrouilles de police, c'est le vide. Tout est devenu paisible. Je finis par me demander qu'il est peut-être temps de quitter la ville pour aller vivre dans un ailleurs où nulle frénésie ne règne. Ah, une maison dans une vraie campagne, des champs et des bois... Travailler chez soi est un bonheur, vivre avec la personne qu'on aime sans la rupture du quotidien, apprendre à partager l'espace, à sauvegarder des moments de solitude, d'intimité, de silence. Sur tous les médias on nous a parlé du danger de ce confinement, de le violence conjugale, familiale, des tensions qui déboucheraient forcément sur des situations lourdes. Rien de cela pour nous. Nous dormons bien, nous mangeons bien, nous lisons, nous travaillons, nous restons en contact avec ceux de nos amis et de notre famille que nous avons envie de voir et nous sommes débarrassés de ceux dont la fréquentation était une terrible obligation, un pensum aujourd’hui incongru. C'est génial.



Et puis, la tendresse, le désir, le plaisir ont retrouvé leur place. Nous nous parlons beaucoup, bien plus que d'habitude, nous nous souvenons de notre installation ici, évoquons mille choses, rions beaucoup et finalement, le temps passe trop vite. Bien sur nous sommes bien logés, bien sur nous sommes deux avec un chat et un chien, bien sur nous nous aimons assez pour nous supporter dans tous les sens du terme. Mais tout de même, où que vous soyez, avouez que cette coupure inattendue a du bon !


New York confiné
Mark Seliger
2020 

New York confiné
Mark Seliger
2020

Albert Wainright
Reclining Figure 
1938

08 mai 2020

Le sommeil des anges


Top ou bottom ? Ni l'un ni l'autre : Side and open minded !


Le petit frère de Mark (qui est aussi grand en taille désormais que lui) est bi. Il l'affirme haut et fort. Sûrement pour se différencier de son frère. Adolescent, il venait parfois dans notre lit. Ne vous attendez-pas à des révélations croustillantes, incestueuses ou salaces. 

La littérature et les vidéos de l'industrie du porno, la pensée unique de la plupart des aficionados du monde LGBT et la bêtise des autres que la sexualité présumée des mecs qui préfèrent les mecs travaille sacrément, (le plus souvent surtout parmi les plus violemment homophobes, et dont le refoulement produit hélas bien des exactions dans les lycées et les collèges, ici comme ailleurs dans le monde), réduisent les pratiques sexuelles des gays à la sodomie. Grossière erreur, puisque d'après de nombreuses enquêtes et études scientifiques seulement 50% des garçons pratiquent systématiquement la pénétration.

La pression en revanche est terrible. Le monde semble raisonner unilatéralement sur l'évidence qu'un acte sexuel entre deux mâles ne peut être vrai, complet, satisfaisant sans que l'un encule l'autre. C'est tellement limité, tellement primaire. Top ou Bottom ? Actif ou Passif ? C'est presque la première question que se posent la plupart des gays. C'est ainsi qu'est né le terme Side pour désigner ceux qui ne sont ni l'un ni l'autre ou sont les deux et par extension ceux qui n'ont pas besoin d'enfoncer leur membre dans le derrière de l'autre, ceux qui n'y trouvent aucun plaisir, pour mille raisons qui les regardent. Un anus n'est pas un vagin de substitution. Et la liberté de chacun ne s'arrête pas dès qu'il s'agit de satisfaire le partenaire pour qui on craque. Il faudrait l'enseigner aux adolescents qui n'ont du sexe que ce que véhicule la pornographie accessible partout. 

J'ai trouvé des articles qui bien documentés et clairs : un article du Huffington Press de 2013 et puis ce qu'en dit le blog Tambour Major

06 mai 2020

Grande école avec Salim Kechiouche et Gregori Baquet



Revu ce film de 2004, transcription cinématographique d'une pièce de théâtre dont le réalisateur a gardé le rythme et bon nombe de dialogues. Avec le très solaire Salim Kechiouche,l'acteur fétiche de Gaël Morel dont la beauté plastique est à couper le souffle, Gregori Baquet teint en blond et le regretté Jocelyn Quivrin mort accidentellement en 2009. Il y a aussi le fils de Gérard Jugnot et les deux splendides actrices Alice Taglioni et Elodie Navarre. Plein de garçons nus sans complexe ni voyeurisme déplacé. J'avais déjà aimé à l'époque. 





04 mai 2020

Et en rêvant de lui il rêva de tous les autres...


La journée avait été longue. Il avait dû courir un peu partout pour boucler dans les temps son inscription. Il manquait des papiers, il avait laissé à la maison les photos d'identité pour la carte de bibliothèque, et la lettre de recommandation de son professeur était introuvable. Il faut dire que Grégoire, pourtant parfaitement rangé et très organisé était perturbé. Il n'avait pas l'habitude se sortir tard et cette rencontre qu'il fit le chamboula. Il l'avait croisé à plusieurs reprises et l'avait remarqué dès le premier jour, assis deux rangs devant lui. Et dans ce bar où il avait suivi ses deux colocataires, il l'avait revu. Ils passèrent la soirée ensemble puis il suivit le garçon chez lui. Il y passa la nuit, sans dormir, ils parlèrent longtemps, burent des bières puis soudain leurs corps se rapprochèrent et ce fut le premier baiser. le premier vrai baiser de Grégoire. Simon lui caressait le visage, lui léchait l'oreille, glissait sa langue le long du cou. Grégoire frissonnait. il ne songeait plus à l'heure, il ne contrôla plus grand chose lorsque Simon déboutonna sa chemise et glissa ses mains sur sa poitrine. Il sentait les doigts du garçon caresser ses pectoraux, s'attarder sur les tétons... Il se remémorait tout ce qui suivit jusqu'à l'explosion du plaisir qu'ils partagèrent avec la même intensité. Il était rentré vers sept heures du matin. Il ne s'était pas couché. Une douche, un thé, des céréales, se changer et vite partir à la fac. Quand il revint, le canapé lui semblait installé là juste pour l'accueillir. il s'étendit et s'endormit aussitôt. Et c'est là qu'il se mit à rêver. Il revoyait Alexandre, ses longs cheveux bruns, ses épaules de nageur, il sentait la douceur de sa peau et la vigueur de ses muscles. Aux images de la nuit précédent se mêlèrent des ombres furtives d'autres garçons qui peu à peu se firent plus claires et il revit Jacques, Paul, Didier, Nicolas... Le collège avec Hervé puis avec Jacques , la première fois sur la plage après un bain de minuit avec Didier, le voyage en train de nuit, la couchette qu'il partagea avec Paul, le bateau qui les ramenait d'Irlande avec Nicolas, et puis Üte, le garçon autrichien  dans une grange abandonnée qui sentait bon la paille, dans un petit village près de Salzbourg...






03 mai 2020

You


"We were together, I forget the rest." 
- Walt Withman -

Blue Neighbourhood (1/3)



Cinq ans déjà que le rutilant et très doué jeune chanteur australien, Troye Sivan postait sur sa chaîné Youtube cette vidéo en 3 parties qui eut beaucoup de succès et pas que parmi les adolescents. Il faut dire que le garçon a du talent à revendre, il est beau, intelligent, cultivé et réfléchi et... heureux. Un exemple et un soutien pour tous les jeunes qui découvrent leur orientation sexuelle et souffre du regard de leur entourage, sont encore trop souvent ostracisés et rejetés par leur "différence".

Blue Neigbourood (2/3)



L'histoire est classique, mais les paroles de Troye percutantes comme les images d'une qualité qui ajoute au dramatique de la situation. Derrière l'homophobie; il y la solitude du père, le drame de l'alcoolisme, la violence des préjugés. Troye Sivan est de confession juive. Ce serait un raccourci spécieux que de prétendre que c'est peut-être de cela que vient la spécificité de son travail artistique, une sensibilité plus aiguë de l'injustice, une manière de réfléchir et de penser plus libérale aussi. Il a 22 ans aujourd'hui et depuis plus de six ans maintenant il est écouté et suivi par des millions de jeunes fans dans le monde entier. 

Pas seulement parce que sa musique et son style colle à l'époque mais parce qu'il apporte quelque chose de fort, de pur, de vrai. Combien de gamins de 14 ou 15 ans sont certainement sauvés parce qu'ils l'ont écouté parler du bonheur, du courage, de la liberté d'être ce qu'on est. Et puis il parle d'amour aussi et pas de désespérance ou d'effondrement, nulle violence.

Blue neigbouroud (3/3)


01 mai 2020

Matinale


J'aime me réveiller tôt le matin et écouter le silence de la maison, les bruits de la rue. Particulièrement en ce moment. J'aime aussi les rites du matin, les gestes qui font du bien, le départ d'un nouveau jour dont on ne sait rien mais qu'on veut réussi. C'est plus facile quand on est deux et que rien ne nous presse. Attendre que l'autre se réveille regarder le regarder dormir et rêver, vouloir être dans son rêve et ne pas se tromper, préparer le petit-déjeuner, mettre de la musique, attendre qu'il se lève pour nous laver ensemble, sortir le chien, et puis passer le reste de la matinée sans rien avoir d'autre à faire qu'être tous les deux , nous regarder, sourire et nous aimer...




Bribes de souvenirs retrouvés

En traînant sur le net l'autre soir, j'ai retrouvé cette vidéo. Avec les paroles de la chanson, une foule de souvenirs est remontée en moi comme un parfum oublié... Elles me ramenaient soudain pas mal d'années en arrière. Le jour où je suis arrivé ici... Un bail. La voix chaude et sexy de Jason Wade, le chanteur de Lifehouse qui vibrait dans mes écouteurs. Je venais à peine de franchir la douane et j'attendais pour récupérer ma valise. JFK, la pluie sur le tarmac. J'arrivais de Londres. Fatigué, un peu inquiet.


Triste aussi car j'avais quitté Alistair, le garçon avec qui j'avais partagé les huit derniers mois avant mon départ. Nous nous étions rencontrés presque un an auparavant, à une soirée d'étudiants. Je ne connaissais pas grand monde ce soir-là et je m'ennuyais un peu lorsque je l'ai vu arriver, élégant, vêtu d'un jean et d'une chemise rayée sous une veste de tweed. Tranquille, élancé, le visage éclairé par un grand sourire. Nos regards se sont croisés. Les amis avec qui j'étais venu n'avaient pas envie de rester trop longtemps. Les lieux ne nous branchaient pas vraiment, ni les gens qui s'excitaient autour de nous. Nous nous apprêtions à partir. Une envie de poker chez Rob, un des assistants de l'université, à peine plus âgé que nous. J'aimais bien nos soirées chez lui. Moments toujours drôles,  très british. Bière, whisky et thé, pas forcément dans cet ordre. J'étais en train de récupérer mes affaires pour sortir et rejoindre ma bande.Rien ne laissait présager pas que ma vie d'étudiant tranquille allait soudain changer.


J'avais pas mal d'occupations à Londres en dehors des cours, un bon groupe d'amis, quelques amants, une petite amie parfois. Rien de sérieux, jusqu'à ce soir du côté de Bethnal Green, où Alistair devait rentrer dans ma vie... Tout s'est enchaîné très vite. Trop ? Très fleur bleue tout ça. Quelques propos échangés, des amis en commun, des idées aussi. Et cette 'chemistry' comme disent les anglo-saxons (ça sonne mieux qu'alchimie qui flirte un peu avec le sordide et la sorcellerie) qui semblait irradier autour de nous et nous rapprochait de plus en plus, unis dans un même désir... Les autres étaient partis devant. J'avais vaguement promis de les rejoindre... Il m'a proposé d'aller manger un morceau non loin de là. Je me souviens du pub, le Carpenters'arm, sur Cheshire Street. Celui qu'on appelait le bar des gangsters. Nous avons ri avec toute la salle, nous moquant de cette fille un peu ivre qui prétendait chanter et s'effondra au pied de sa table... Puis je suis allé chez lui quand le pub a fermé, puis... 

Nous ne nous sommes plus quittés et tout ça m'a rendu heureux. Vraiment. Je crois même que l'amour que nous partagions, le plaisir d'être ensemble, de travailler ensemble, de sortir ensemble et plus que tout, de dormir ensemble ma donna des ailes. C'était la première fois que je me sentais aussi bien. Contre toute attente, je passais brillamment mes examens et comble de bonheur, j'étais pris à New York pour le stage dont je rêvais. Deux longs mois aux États-Unis... Ce fut une des plus belles périodes de ma vie ! Mais j'allais bientôt finir mon temps à Londres et devoir le quitter. A moins qu'il ne change ses plans et décide de venir avec moi et s'inscrive à la fac là-bas et trouve un boulot... Nous pourrions nous installer à New York lui ai-je dit un jour. Sa réponse "Mais tu es dingue, on peut pas ! Je ne peux pas ! Et puis je ne suis pas sûr d'avoir envie de vivre ailleurs qu'ici ! Ma vie est ici, ma famille, mon histoire" Première dispute. Premières failles. Il ne pouvait pas ? Ses parents, ses amis, sa vie ? J'avais bien laissé ma vie à moi en France des années plus tôt. certes la Manche ce n'est pas l'Océan et en deux heures je me retrouvais facilement chez moi pour un weekend. Plus compliqué depuis NYC... 


Le moment du départ s'approcha. Il viendrait me voir, puis  je le rejoindrai à Londres juste avant Noël... Après ce serait lui qui viendrait me retrouver à la montagne pour passer la fin de l'année avec ma famille. Alors ? C'est décidé !... De passage à Londres, ma mère l'avait adoré. Elle lui avait dit combien elle serait ravie qu'il passe les fêtes avec nous. Il remercia mais je sentais bien qu'il ne viendrait pas. Notre dernière nuit fut pourtant merveilleuse. Ardente, joyeuse autant que désespérée et terriblement triste. Dans une de nos étreintes, je crus sentir sur sa joue le goût des larmes. Ce fut notre dernier moment de fusion totale et d'harmonie.
 
Le lendemain matin, lorsque je me réveillais, il était parti. Je n'avais rien entendu. J'avais insisté pour qu'on aille chez moi. Plus facile. Je devais finir mes valises. Je ne partais que pour deux mois après tout... J'ignorais encore que je ne reviendrai pas. Peut-être en avait-il eu l'intuition ? Alistair est un être incroyablement sensible. Bien plus que moi. Derrière une apparence très virile, avec sa voix très basse, sa vigueur, son calme et son fairplay britanniques, il suffisait d'un rien pour qu'il soit bouleversé. Il s'était donné totalement à cette dernière nuit. Il avait accepté de venir chez moi plutôt que chez lui, mais il était parti pour n'avoir pas à me dire adieu. Juste un mot sur la table de la cuisine. Court, doux mais définitif. J'ai dû le lire vingt fois dans le taxi, à l'aéroport, dans l'avion... "N'oublie-pas d'oublier !" me recommandait-il en conclusion de ses lignes qui venaient de déchirer mon cœur. 


J'étais dans cet état de vague à l'âme, ne sachant pas si j'avais fait le bon choix en partant, en acceptant de laisser derrière moi cet amour si fort qui pourtant m'avait comblé. Mon enthousiasme à l'idée de vivre quelques mois à New York avait complètement fondu. J'avançais machinalement vers la sortie avec ma valise quand soudain quelqu'un me bouscula violemment. ma valise m'échappa des mains, déséquilibré par la violence de la collision et la surprise, j'allais tomber en arrière et m'effondrer sur elle, quand deux bras me rattrapèrent. Tout se passa en quelques secondes. Autour de nous les gens continuaient d'avancer. j'avais l'impression de fonctionner au ralenti, comme dans un film. La musique dans mes écouteurs, une voix qui me disait "Oh Sorry, I'm sorry ! Are you ok ?". Machinalement j'avais fermé les yeux en tombant. Je vis soudain, tout prêt de mon visage un autre visage qui me souriait, presque hilare. Je devais avoir l'air un peu stupide. Je me sentais stupide. De nouveau bien stabilisé sur mes deux jambes, mon sac à dos remis en équilibre sur mes épaules, mes vêtements ajustés, je soufflais. L'autre souriait toujours. Un sourire franc, aimable. Rien de composé et de superficiel comme souvent on en a quand il faut préserver les convenances mais qu'on n'a rien à faire de la personne concernée. 
 
Harry Styles juste pour illustrer la sortie de JFK.Mon look était plus classique mais le chanteur pourrait très bien jouer mon rôle si j'étais en train d'écrire le scénario de ma vie ! J'ai toujours porté des pulls comme le sien mais les jeans déchirés, jamais pu ni voulu !
 
C'était un garçon de mon âge. Normal. Ce type courant en Amérique. Grand, bien fait, un visage plein de tâches de rousseur, de longs cils sur des yeux clairs. Je le trouvais très beau, sans aucune arrière-pensée. Il émanait de lui un raffinement naturel, une impression de finesse et de détachement qui se reconnait instinctivement. Le profil Ralph Lauren ou WASP aurait dit mon ami Mathias, l'ami danois avec qui partageais ma chambre au collège à Londres. Intelligent, de bonnes manières, drôle et cultivé sûrement. Et avec cela un physique très attractif... "Je voulais absolument avoir ce taxi, je suis en retard. mais je ne pensais pas qu'il me faudrait tuer quelqu'un pour cela" dit-il en riant. Il me tenait toujours. Je sentais ses doigts qui s'attardaient sur moi palpant machinalement les muscles de mon bras. "Pas grave, tout est ok, ça arrive, je sais ce que c'est, blabla..." Je baragouinais que tout allait bien et autres banalités de circonstances. En vérité, je ne savais plus très bien ce que je disais, ni où j'étais. Tout était embrouillé, confus. La fatigue ? Le chagrin d'avoir quitté ma petite vie tranquille ? La certitude d'avoir perdu Alistair ? Certainement un mélange de tout cela. Pourtant, quelque chose était en train de se passer qui commençait à se frayer un chemin vers mes neurones...


Pendant cette scène digne des films burlesques du cinéma muet, la foule avait pris d'assaut les taxis qui défilaient. J'avais la sensation que quelqu'un avait monté le son.. Tout résonnait désagréablement dans ma tête et puis cette odeur de fumée, la pluie qui tombait, tous ces gens pressés...Quelques minutes passèrent. Soudain l'inconnu qui tenait toujours ma valise et mon bras parvint à retenir un taxi, juste avant qu'un gros personnage rougeaud muni d'un attaché-case et d'un volumineux tas de journaux sous le bras, fasse un pas vers la voiture.  Furieux, il lança un juron. Je me souviens de la réponse du chauffeur au vieux bonhomme : "On se calme. Force et Honneur à la jeunesse!" avant de lui tourner le dos et de prendre ma valise des mains de l'inconnu. Dialogue invraisemblable qui ajouta à mon désarroi. Mon esprit était décidément un peu confus, pourtant je ne m'étais pas cogné la tête. Juste le cœur qui battait un peu plus fort sans que je sache vraiment pourquoi. Le taxi avait déjà refermé son coffre et remontait dans la voiture. Mon agresseur involontaire avait ouvert la portière. Il me proposa de monter avec lui. J'acceptais. "You're welcome!" me dit-il en m'invitant d'un geste et s'engouffrant après moi dans la grosse voiture jaune.

Il parlait beaucoup et cela ne me déplaisait pas. C'était un peu comme si je retrouvais un copain perdu de vue, ou un cousin venu me chercher à l'aéroport. Je souriais de ce comité d'accueil imprévu qui m'avait sorti du marasme dans lequel la chanson de Lifehouse m'avait enfermé. C'est ainsi que j'ai fait la connaissance de David qui dort à côté de moi et partage ma vie depuis presque dix-huit ans maintenant...