Du plus loin qu'on s'en souvienne, Tibulle était un jeune homme élégant, ténébreux, spirituel, délicat et très beau. Et l'un des poètes élégiaques les plus importants de la Rome antique. Après une brève et douloureuse carrière militaire, qui l'amena en Aquitaine mais aussi à Corfou, où il tomba malade, il se fit surtout remarquer dans le salon du célèbre condottiere Messalla, qui rassemblait les poètes bucoliques indépendants, réfractaires à la propagande du nouveau régime instauré par Auguste. On disait de Tibulle qu'il était melancolicus. Melancolicus introversus, cela va sans dire. Il écrivait des vers idylliques qui annoncent les quatuors de Schubert et Le Grand Meaulnes. Dans une époque désenchantée, il rêvait d'un âge d'or.Cet incipit d'un excellent bouquin sur le poète romain qui se languissait de Marathus, bel adolescent insensible à son amour, me rappelle l'inepte professeur de latin amateur de fillettes et qui détestait les garçons que j'ai eu pendant plusieurs années au collège. Il sautait rageusement tout ce qui traitait des amours garçonnières et s'éclairait dès que le corps féminin était évoqué par un poète. Grâce à ses dégoûts, la classe entière se plongea avec délice dans le Satyricon de Pétrone, certains textes pédérastiques que l'on pouvait trouver à la bibliothèque. Je me souviens de mon émotion - et de mon excitation bien plus physique qu'intellectuelle, à la lecture de l'histoire d'Alexandre écrite par Roger Peyrefitte. Mes parents, sans les avoir lu, m'offrirent pour mes 15 ans les deux volumes de l’œuvre. S'ils avaient su... Les pages très explicites de Peyrefitte me gardèrent éveillé des nuits entières et les draps s'en souviennent.
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