J'aime cette photo du grand photographe des corps et de la mode. Elle me ramène à ma saison préférée, celle des grandes vacances. Il fait si beau ici que l'on ne peut pas songer à autre chose qu'à la plage et aux vagues... L'été n'est plus très loin et avec les délices du soleil, du sable et de la mer, revient aussi le bonheur de dormir nu la fenêtre ouverte laissant pénétrer les effluves de l'océan proche, ce bruit lancinant qui berce et emporte. Contempler le corps de l'aimé, sa peau halée couverte d'un léger duvet blond, ses muscles durcis par les longues baignades, les virées en bateau, les courses sur le sable. Contempler son sourire quand il dort et au petit matin, quand lové contre mon corps, le désir se réveille et nous emporte vers d'autres rives...
Il y a des garçons que le corps des garçons n'attire pas. Le désir n'effleure jamais leur regard. Se peut-il qu'il existe vraiment des natures totalement, exclusivement, absolument hétérosexuelles ? Y-a-t-il vraiment des mâles assez honnêtes qui après avoir recherché au plus profond de leur mémoire, peuvent certifier n'avoir jamais ressenti ne serait-ce qu'une bribe de désir pour leur copain d'enfance, un garçon plus jeune ou plus âgé, un athlète aperçu au gymnase ou dans les douches ? Va-t-on toujours naturellement et uniquement vers la femme ?
Quand j'avais quinze ans, je sortais avec des filles dont je tombais amoureux. Souvent. J'essayais - par instinct - de les coucher dans mon lit et mon désir était alors intense. Peu se laissaient faire malgré l'amour qu'elles semblaient me porter, mais quand je rencontrai des filles dont l'ardeur rejoignait la mienne, l'assouvissement du plaisir, s'il me procurait une intense satisfaction, cette explosion des sens qui ne dure qu'un instant quand, enfoui en elles j'arrivais à l'orgasme, me laissait toujours un goût d'inachevé. L'honneur et l'instinct étaient saufs. Mais pas mon cœur ni mon âme. Je ne savais pas pourquoi je restais insatisfait une fois passé le sentiment d’orgueil et de victoire de se sentir un homme, pensant que cela venait de mon inexpérience ou de ma jeunesse, ou d’un défaut physique… Quand la première fois, j'ai connu le corps d'un autre moi-même - nous préparions notre bac ensemble - et que notre jouissance est lentement montée après de longues minutes de caresses, de découverte du corps de l'autre, j'ai reconnu ce plaisir absolu qui montait et explosa dans tout mon corps à la fois. Jamais une femme ne m'a donné autant de plaisir que la plus ratée de mes relations avec un garçon. C'est bien de reconnaissance dont il s'est agi cette nuit-là. Comme si la sensation de nos deux corps unis dans une même sueur, nos muscles tendus, la douceur de nos peaux, nos jambes et nos bouches mêlées, était un retour vers l'authentique, l'évidente harmonie des sens. L’unité retrouvée… Le plaisir des dieux.