David est triste ce matin. Il vient de retrouver des photos du temps de sa première année d'université. Columbia. Dieu, qu'il était beau déjà. Il émanait de lui ce qui me fit craquer en un instant et décida finalement de ma vie,. de notre vie à tous les deux. Je ne pensais pas rester à New York. Le stage dans la maison de courtage financier d'une des plus grandes banques américaines avait été l'occasion de quitter la France. j'avais pensé faire mon stage à Bruxelles; Nous y avons de la famille. Ma mère m'avait trouvé un appartement par ses réseaux. Je venais de rompre avec Philippe. Il s'était fiancé. Fille de bonne famille. pression familiale. Il avait hésité mais il ne supportait plus d'avoir à organiser ses deux vies. Il allait rentrer à l'ENA. Mes oncles et mon père m'auraient voulu auprès d'eux pour peu à peu reprendre les rênes de la propriété avec mes cousins. J'étouffais. J'étais malheureux. Partir m'était nécessaire. Ce fut New York après notre dernier voyage, Philippe et moi, un tour de Sicile.
Nous avions grandi ensemble ou presque. Notre désir datait du premier instant. Notre entente, notre complicité, notre plaisir, tout était toujours en harmonie. Mais il y avait son nom, les traditions et les usages. C'était pareil pour moi, mais notre famille avait mieux franchi le cap des temps modernes en s'éloignant des préjugés. Bref, raconter mes vingt ans d'étudiant et mes déboires amoureux n'était pas le but de ces lignes. Je voulais aborder ma rencontre avec David qui détermina mon choix de vivre ici et changea ma vie et le regard que je porte sur tout cela. Est-on encore jeune quand on vogue vers la quarantaine ? David feuilletant une revue sportive s'était revu. Bel athlète, sourire et mèche de star, le parfait WASP avec un brin de folie en plus, un quelque chose de bohème et de pazzesco. Sa mère est anglaise et le nom qu'il porte est honoré ici comme l'un des fondateurs de ce pays. Cela aurait pu être un poids et cela en fut un parfois. Mais David, avec le soutien de sa mère, de sa grand-mère a survécu à tout.
Notre première rencontre à une soirée dans un somptueux appartement donnant sur Central Park. Nous avions un peu bu. la musique était agréable, la vue splendide. Et c'est ainsi que tout commença comme dans un roman anglais... Il se trouve enlaidi, les traits plus épais, les muscles moins fermes... Cela m'a fait penser à cette photo qui montre trois jeunes tchèques au mieux de leur forme. Je ne suis pas certain que des corps puissamment musclés, totalement imberbes, avec des visages glabres aussi, de beaux yeux clairs, des dents splendides et une épaisse chevelure déterminent vraiment la vraie beauté. Il y faut autre chose. Un je ne sais quoi qui rendre attirant et désirable un garçon maigre ou un autre à la poitrine étroite et déjà velue. La beauté certes fait naître le désir mais pas seulement elle. le charme d'un sourire, une fossette, des yeux embués de timidité, des dents imparfaites et par-dessus tout l'intelligence, la finesse, le charisme. Ce qu'on nomme la présence. David était tout à la fois. Beau, intelligent, drôle, timide, farouche. Derrière sa parfaite éducation et toute la réserve anglo-saxonne, il était capable d'une incroyable volubilité et sa sensualité débordait de partout. Des années après, il reste le même; Le jeune homme en construction est devenu un homme, jeune, toujours aussi beau, toujours aussi brillant. Mon étreinte aura apaisé ce petit moment de nostalgie. Nous avons devant nous encore des années d'insouciance et de joie tant que notre cœur et notre esprit demeurent comme à vingt ans.