Un lecteur, étudiant à Paris, qui lit et réfléchit beaucoup, me pose une question. Fidèle lecteur depuis plusieurs années - depuis les mois qui précédèrent son baccalauréat en fait - il m'écrit pour me faire part de sa perplexité. Depuis une rencontre inattendue et qui semble avoir atomisé tout le reste, après l'empêchement physique de poursuivre sur un mode habituel la belle relation naissante (foutue crise sanitaire !), après de nombreux rendez-vous hors-sol via zoom, les deux tourtereaux s'étant réfugiés chez papa et maman, l'un en Normandie, l'autre en Bourgogne, ont appris à se connaître d'une manière somme toute originale.
Des échanges rendus plus intenses encore par l'impossibilité de se toucher, de s'embrasser, d'aller ensemble dans les mêmes rues, de s'étendre sur les mêmes pelouses, et l'impatience, aussitôt le retour à Paris pour les deux garçons , de se retrouver vraiment. Belle histoire puisqu'ils ne se sont plus quittés. Mais demain ? De quoi cela sera-t-il fait ? Doivent-ils céder à la douce tentation de se fondre en un couple et de vivre ensemble ? "Comment as-tu fait toi ?" Embarrassante question. N'étant pas conseiller conjugal, j'ai seulement fermé les yeux pour me souvenir des premières minutes où l'évidence que j'allais lier ma vie à celui que j'ai aimé à l'instant où je l'ai vu dans l'embrasure d'une porte. depuis plus de quinze ans. Une évidence que je vis depuis quinze ans. La raison de cette alchimie réussie ? L'amour bien sûr, mais aussi l'amitié, la fraternité, l'apaisement du désir par la certitude de le partager à tout moment, et pas seulement sexuellement, mais aussi intellectuellement. Avec gourmandise et surpris à chaque instant comme s'il s'agissait de la première fois... Et puis aussi, cette autre évidence : Être deux, c'est mieux...
"L'amour est pur lorsque, en lui, la soif du bonheur s'efface devant la
passion de l'unité. Tant que deux êtres ne sont liés l'un à l'autre que
par le désir d'être heureux, ils ne s'aiment pas, ils sont séparés.
Aimer ne consiste pas seulement à mettre en commun deux joies, mais deux vies."
Sacha Guitry, connu pour son cynisme écrivait portant : "Je reste convaincu que l'on peut vivre à deux, d'un bout à l'autre de la
vie, en ayant l'un pour l'autre un sentiment que rien ne saurait
altérer, fait de tendresse et de respect, de confiance et d'amitié,
d'amitié dans le sens le plus pur de ce mot."
C'est ce que chantait Charles Trenet. sur la longueur, même si tous - n'est-ce pas constitutif du garçon qui répugne longtemps à aliéner sa liberté et son indépendance mais ne réussit jamais à se satisfaire de la solitude, cherchant toujours l'alter ego, le frère, l'amant pour ne faire qu'un, de corps et d'esprit. Conclusion d'hadrianus après ces semaines de lockdown à deux : Aimer c'est ce qui sauve de toutes les tentations, de tous les périls, de toutes les chutes. Oui, vraiment, ami lecteur, être deux, c'est mieux...