Ce qu'il y a de plus intime chez un garçon, est-ce son sexe ou bien son coeur ? Un corps jeune et bien fait, ferme, fort, lisse et vigoureux est un plaisir pour les yeux et pour ceux à qui il se donne, l'amant fidèle ou le partenaire d'un soir, un plaisir pour les doigts et les lèvres... Pas de faux-semblants, le sexe dardé est aussi le symbole de la plénitude de notre amour, le plaisir partagé, l'incroyable bonheur qui précède et qui suit l'explosion de ce plaisir que les anciens ont célébré dans des oeuvres magistrales et qui nous rend l'égal des dieux.
"La photo est littéralement une émanation du référent. D'un corps réel, qui était là, sont parties des radiations qui viennent me toucher, moi qui suis ici; peu importe la durée de la transmission; la photo de l'être disparu vient me toucher comme les rayons différés d'une étoile. Une sorte de lien ombilical relie le corps de la chose photographiée à mon regard: la lumière, quoi qu'impalpable, est bien ici un milieu charnel, une peau que je partage avec celui ou celle qui a été photographié. Il paraît qu'en latin "photographie" se dirait: "imago lucis opera expressa"; c'est-à-dire : image révélée, "sortie", "montée", "exprimée" (comme le jus d'un citron) par l'action de la lumière. Et si la Photographie appartenait à un monde qui ait encore quelque sensibilité au mythe, on ne manquerait pas d'exulter devant la richesse du symbole: le corps aimé est immortalisé par la médiation d'un métal précieux, l'argent (monument et luxe); à quoi on ajouterait l'idée que ce métal, comme tous les métaux de l'Alchimie, est vivant". (Roland Barthes, La Chambre claire. Note sur la Photographie, in-Cahiers du Cinéma, 1980.)