Contrairement à
beaucoup de gens, hommes et femmes, je ne suis pas un adepte du
postérieur de mes semblables. Quand j'étais collégien et plus tard à
l'université, à une époque où bien que tous plus ou moins complexés et
coincés, nous nous montrions nus dans les vestiaires et sous les
douches, la plupart des garçons focalisaient sur les muscles et le sexe
de nos congénères, pour se moquer la plupart du temps des fluets, mal
dotés par dame Nature. Bien sûr, nous étions trop bêtes pour reconnaître
que notre malaise qui faisait finalement aussi partie de
l'auto-éducation, sous-entendait notre honte d'en avoir une trop petite,
ou trop grosse ou tordue et de n'avoir pas le gabarit de Tarzan.
Billevesées, nous étions pour la plupart naturellement sveltes et bien
foutus, les abdos bien dessinés, les pectoraux et les épaules, les bras
et les jambes, tout était satisfaisant et comme la promesse ce que des
heures de gymnase, de barres parallèles, de course et de piscine
allaient façonner si on se donnait la peine de suivre le mouvement de
l'éducation virile.
J'étais innocent, je le restais longtemps, n'ayant
aucune idée de la sexualité, et le début de ma puberté, sans vraiment
m'inquiéter, m'intriguait. J'étais assez niais pour ne pas faire aussi
rapidement que la plupart des autres garçons le rapport entre les
changements de mon corps, l'acné, les poils qui poussent, et les
premières pollutions nocturnes et l'appétit sexuel, le désir violent et
la procréation. J'aurai cru quelqu'un qui m'aurait assuré que oui les
garçons naissent dans les choux et les filles sans les roses déposés
dans le potager et le jardin par les cigognes venues d'Alsace. A 5 ans,
j'avais parait-il affirmé à une petite fille de l'école maternelle dont
j'étais amoureux que si elle était d'accord on devrait écrire pour
commander un bébé et on décida de chercher l'adresse du bureau des
commande du côté de Strasbourg. Tout cela me semblait normal comme
d'être attiré depuis la première seconde où nous fumes l'un en face de
l'autre dans la cour de l'école.
Pourquoi Strasbourg ? Simplement parce
que nous avions à la maison un grand livre pour enfants magnifiquement
illustré avec des couleurs qui me fascinaient. Une pleine page montrait
des paysages d'Alsace, avec des vignes le long de collines verdoyantes,
un ciel très bleu, des jeunes filles vêtues de leur costume
traditionnel, des villages très beaux avec ces nids de cigogne et le mot
Strasbourg que j'avais appris à déchiffrer et dont on me dit que
c'était la capitale de cette belle région. Bref, sentir mon être entier
attiré par la petite camarade, la plus jolie de toute l'école pour moi
(je ne sais même plus à quoi elle ressemblait ni comment elle s'appelait
!) me semblait naturel et bien agréable. Quand mes sens s'éveillèrent
et la partie la plus intime de mon corps semblait décidée à vivre sa
propre vie, je n'en fus aucunement persuadé. Je n'en fis pas non plus
tout un plat.
Mais
revenons-en à la partie charnue du corps humain. Beaucoup de gays ne
jurent que par les fesses, le derrière étant pour la plupart d'entre eux
le siège - pardon pour la polysémie - de l'accomplissement de leur
plaisir. Pour eux l'orgasme ne passe que par la pénétration. Inutile
d'enfoncer le clou, mes lecteurs savent mon peu de goût pour la sodomie,
voire ma répugnance à ce mode de jouissance. Je fais partie des gens
convaincus qu'on peut atteindre les sommets du plaisir sexuels avec
l'autre de mille autres manières. Je m'aventure une fois encore hors des
limites tolérées du sexuellement correct du milieu queer. Laissons-là
le sujet pour revenir à mes propose initiaux : ce qu'il y a de
remarquable et attire en premier chez un garçon.
Démonstration par l'image :
Tout d'abord l'allure générale. Même très couvert, le corps se devine sous les épaisseurs de laine et de coton. Voilà le modèle idéal, basique, qui me fait vibrer depuis toujours. En gros, il est bien foutu, sportif, musclé mais sans outrance, la peau lisse, mate ou claire, imberbe sauf en des endroits bien précis, et le visage masculin mais avec encore un je ne sais quoi d'extrême fraîcheur, de pureté. Pas de moustache ni de barbe, sinon quelques traces sur le menton d'une barbe de quelques jours. Les cils sont longs et foncés, comme les sourcils joliment arqués, la bouche gourmande, les dents blanches et joliment alignées.
Voilà un modèle dans le plus simple appareil. Tout ce qu'il faut où il faut pour lui permettre de poser pour Praxitèle, premier artiste de tous les temps à donner la définition du parfait éphèbe, du garçon véritable digne d'amour et de louange. de son corps émane à la fois l'énergie, la volonté, la pureté. La pratique du gymnase et la proximité des livres lui donnent une aisance que tempère sa naturelle timidité.
Tant qu'il doute encore de lui-même et ne prétend à rien qu'à apprendre et aimer, il émane de lui ce côté solaire auquel il est impossible de résister. Les anciens l'avaient compris. Notre époque a tendance à s'en récrier. L'époque est à l'enlaidissement, au travestissement, à l'hystérie. Vous l'aurez compris, pour Hadrianus, point d'ongles peints, de jupes et de falbalas, pas de tatouages, de piercings et autres scarification indigènes. En gros, cela donne ce genre de garçons (je souligne la différence que je ferai toujours entre garçon, la même que celle que nous enseignent les maîtres grecs anciens).
Pour affiner mes propos, relisons ce merveilleux sonnet de Straton de Sardes dans sa Μοῦσα παιδική (la Muse adolescente). Règle morale d'autrefois aujourd'hui décriée par les culs de plomb qui pousseraient des cris d'orfraie. Ces moralistes hypocrites mélangent tout et confondent amour partagé avec amour contraint, amitié avec pédophilie, perversité et violence à tendresse.
Je fais mes délices à l'extrême des garçons de douze ans ;
Mais beaucoup plus désirable est le garçon de treize ;
Et celui qui a deux fois set ans, la plus douce fleur des Amours ;
Et qui commence à en avoir trois fois cinq, plus charmant encore.
La seizième année est l'âge des dieux. La dix-septième,
Ce n'est pas à moi qu'il convient de la rechercher, mais à Jupiter.
Si quelqu'un a le désir des plus âgés, il ne joue plus :
Il exige déjà la réplique"
Il est vrai qu'en Grèce comme à Rome on était pubère bien plus tôt qu'aujourd'hui. A douze ans la plupart des garçons étaient depuis longtemps sortis du gynécée pour entrer dans le monde des hommes. Souvent marié à 15, rompu aux activités sportives et militaires, il était un soldat expérimenté à 16 ans... Leur vie sexuelle était précoce.
Un poète libre d'exprimer ses goûts et son désir aujourd'hui ajouterait au moins quatre ans à l'âge de ceux dont parle le poète grec... Antinoüs a rejoint Hadrien alors qu'il n'avait pas quinze ans. Qui s'en serait offusqué à Rome, à Athènes comme à Alexandrie ? Il y a de quoi rire à imaginer les jeunes boutonneux vêtus de noir pourfendeurs de la civilisation occidentale (dont ils profitent un max soit dit en passant) occuper l'Académie et obliger Platon et Aristote a requérir les forces de l'ordre pour déloger ces freluquets outrés. Ne nous appesantissons pas sur le retour en masse des tartuffes !
Pour terminer sur le sujet et compléter ce billet bien sérieux, des explications sur l'ouvrage de Straton de Sardes. Il compila "La muse Adolescente" à l'époque
d'Hadrien. Voilà ce qu'en dit l'incipit d'une traduction publiée aux Editions Le Promeneur :
"Une anthologie qui célèbre le temps des liaisons prénuptiales
et rassemble pièce à pièce les éléments d'une description en acte de
l'amour grec. Aimés, adulés, délaissés, torturés, les poètes du recueil
(Callimaque, Méléagre, Straton lui-même) oscillent entre le lyrisme, qui
occupe une petite partie du livre, et l'écriture d'une sexualité forte
qu'épicent allégories graveleuses et récits paillards. Minois enjôleurs,
carnations huilées, muscles gonflés : il s'agit de saisir en l'espace
de quelques vers et pour ainsi dire sur le vif toutes les postures de
l'éros masculin, et d'épouser jusque dans ses ramifications les plus
ténues, ses manifestations les plus sensibles, l'expression d'une
jouissance tranquille, d'un bonheur de la chair qu'ombre à peine parfois
une nuance de mélancolie."
Voilà un résumé de la philosophie de ce blog depuis les premiers jours : parler de jouissance tranquille, raconter le bonheur partagé de la chair, un quotidien parfumé d'amour et d'amitié, seuls repères solides dans un monde devenu fou. Loin en tout cas de toutes les militances, les révoltes et les extrêmes.