Te souviens-tu de la première fois ? Ce jour où nos regards se sont croisés. Tes yeux dans les miens plongèrent avec insistance. Je lisais dans ton regard une interrogation et une sorte d'ironie, comme une protection au cas où je ne saurai ou voudrai répondre à ton désir. Le jeu durait depuis presque deux heures. Nous étions assis non loin de l'autre dans la grande salle de la bibliothèque. Tu étais en bout de table, une lampe éclairant ton beau visage. J'avais aimé en un instant le dessin de ta bouche, la gourmandise de tes lèvres, ton nez, tes longs cils, tes yeux clairs et toutes ces tâches de rousseur dur les pommettes... Je devinais ton corps sous tes vêtements et j'eus très vite envie de te caresser, sentir le parfum et le grain et la douceur de ta peau. Tu vis mon regard et à ton tour, tu plongea en moi. Tes lèvres s'arquèrent dans un demi-sourire, puis tu baissa la tête vers le livre ouvert devant toi. Je replongeais dans mes notes, troublé mais enchanté par cette proximité que je devinais complice. Nous avions les mêmes désirs, les mêmes pensées. Deux heures de ce jeu, levant les yeux, les rabaissant bien vite comme deux fillettes trop prudes. Du Jane Austen interprété en catimini dans la library de notre collège à Cornell... Tu t'es levé et je t'ai regardé te diriger ver s le coin des dictionnaires. je me suis levé et, l'air de rien mais le coeur battant, je me suis placé juste en face de toi, de l'autre côté du rayonnage. Tu as levé la tête et tu m'as souri. Un sourire magnifique, lumineux. Nous nous sommes regardés un instant puis tu as ri et quelques instants plus tard nous avions échangé nos coordonnées. Tu es venu t'asseoir à côté de moi, nous avons essayé de travailler cinq ou dix minutes mais le désir de se parler, de se connaître était trop fort. Le premier café ouvert - il était assez tard je crois - nous a accueilli. Puis tu es venu chez moi et nous avons dormi ensemble pour la première fois. Belle et pétillante nuit où l'américain et le français ont réinventé l'amour, le plaisir, le bonheur. Au petit matin, tu t'es endormi tout contre moi, ta main tenant la mienne...
1 commentaire:
Très belle histoire.
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