Je ne m'attendais pas à cette rencontre. Elle allait vraiment bouleverser ma vie et pourtant je n'en avais encore aucune idée. J'avais dix-sept ans. Insouciant, favorisé par la Providence, grandissant au milieu d'une famille unie, faite de gens intelligents, ouverts, dont l'activité depuis toujours consistait à faire de l'argent, beaucoup d'argent. On eut dit que cela se faisait malgré eux. Malgré nous. Vieille famille, des parents dans toute l'Europe, parfois beaucoup de prétention, de belles alliances, quelques ratages et parfois des rapprochements hasardeux (la fascination un temps de l'Europe Nouvelle dont un oncle installé à Berlin vantait les mérites - ce qui coûta la vie à sa femme qui était juive et lui valut des années d'indignité nationale...). J'avais dix-sept ans, un esprit torturé, nourri de littérature ancienne et des rêves plein le cœur. Je vivais à la campagne comme un petit seigneur. Nous allions souvent au pays basque où ma grand-mère avait une belle et grande vieille maison appartenant depuis des siècles à sa lignée. J'y passais des semaines heureuses, allant par les chemins vers les sommets ou retrouvant nos cousins à Saint Jean de Luz ou à Bidart. J'ignorais qu'un jour,je quitterai la France pour m'installer en Amérique. je voulais être sculpteur ou peintre ou poète.
Ce jour-là, j'étais parti pour la journée vers une vallée perdue que j'aimais beaucoup pour la beauté de ses contours mais surtout pour la solitude et le silence que j'appréciais. Deux cousins m'accompagnaient mais au détour d'un chemin pierreux, le plus jeune se tordit le pied. Les deux frères reprirent le chemin du village, trois cent mètres plus bas. je continuais seul, appuyé sur mon bâton, la makila faite par les villageois pour mon grand-père quand il fut nommé maire du village, peu avant la guerre de 39. Le chemin traversait un ruisseau avec une jolie chute d'eau qui me ravissait à chaque fois. Juste au-dessus, sur une sorte de plateau entouré de vieux arbres, se dressait une vieille chapelle et une bergerie. J'aimais m'y installer pour rêver et dessiner. L'endroit était toujours désert. Sauf ce jour-là. Un garçon se baignait dans le ruisseau. Il avait déposé ses vêtements sur un rocher et en me rapprochant pour passer le gué, je vis qu'il était nu. Son corps mouillé brillait sous le soleil. Il avait un buste de statue grecque. Ses cheveux courts mais bouclés entouraient un visage joliment dessiné. Il se retourna et en me voyant rougit légèrement. Cachant son sexe d'une main, il me salua de l'autre. Pour la première fois le trouble que j'avais déjà parfois ressenti devant un garçon croisé en sortant des douches au collège ou sur la plage m'envahit tout entier et une chaleur inconnue se répandit dans mes veines. Je bandais. Gêné, j'essayais de penser à autre chose, je cherchais à cacher mon trouble. Le garçon s'en aperçut. Me souriant, il sauta hors de l'eau et, s'essuyant avec un drap de bain qu'il entoura autour de ses reins, il s'approcha en évitant les ronces et les cailloux pointus. Il s'appelait Ladislas. Prénom rare que je n'avais jamais entendu prononcer.
Ce jour-là, j'étais parti pour la journée vers une vallée perdue que j'aimais beaucoup pour la beauté de ses contours mais surtout pour la solitude et le silence que j'appréciais. Deux cousins m'accompagnaient mais au détour d'un chemin pierreux, le plus jeune se tordit le pied. Les deux frères reprirent le chemin du village, trois cent mètres plus bas. je continuais seul, appuyé sur mon bâton, la makila faite par les villageois pour mon grand-père quand il fut nommé maire du village, peu avant la guerre de 39. Le chemin traversait un ruisseau avec une jolie chute d'eau qui me ravissait à chaque fois. Juste au-dessus, sur une sorte de plateau entouré de vieux arbres, se dressait une vieille chapelle et une bergerie. J'aimais m'y installer pour rêver et dessiner. L'endroit était toujours désert. Sauf ce jour-là. Un garçon se baignait dans le ruisseau. Il avait déposé ses vêtements sur un rocher et en me rapprochant pour passer le gué, je vis qu'il était nu. Son corps mouillé brillait sous le soleil. Il avait un buste de statue grecque. Ses cheveux courts mais bouclés entouraient un visage joliment dessiné. Il se retourna et en me voyant rougit légèrement. Cachant son sexe d'une main, il me salua de l'autre. Pour la première fois le trouble que j'avais déjà parfois ressenti devant un garçon croisé en sortant des douches au collège ou sur la plage m'envahit tout entier et une chaleur inconnue se répandit dans mes veines. Je bandais. Gêné, j'essayais de penser à autre chose, je cherchais à cacher mon trouble. Le garçon s'en aperçut. Me souriant, il sauta hors de l'eau et, s'essuyant avec un drap de bain qu'il entoura autour de ses reins, il s'approcha en évitant les ronces et les cailloux pointus. Il s'appelait Ladislas. Prénom rare que je n'avais jamais entendu prononcer.
Nous échangèrent quelques propos sans intérêt. Mon corps s'était calmé mais demeurait en moi une sensation inconnue, comme une flamme vacillante qui brûle un peu les parois de mon cœur en bougeant. J'étais attiré et fasciné par ce type en face de moi, beau, musclé, souriant qui devait avoir mon âge ou à peine davantage. Il m'offrit une cigarette. De mots en mots, nous devenions plus proches et c'est un fou-rire qui nous rapprocha définitivement. je ne souhaitais plus continuer ma randonnée. plus pour le moment. Il se leva, enleva sa serviette et, sans aucune gêne, campé bien droit sur ses cuisses musclées, il se rhabilla. Je levais les yeux vers son sexe qu'une fine toison brune couronnait. Cette vision réveilla mon ardeur et redoubla ma gêne.
Lui aussi connaissait la petite chapelle en surplomb. Lui aussi savait comment ouvrir la vieille porte de chêne. Il régnait à l'intérieur une atmosphère paisible. Sur l'autel de pierre, un bouquet fané répandait une odeur un peu aigre que je crois sentir encore lorsque j'évoque, quinze après, cette fameuse journée. La vue depuis la petite ouverture attira nos regards. Nous rapprochant tous deux en même temps, nos têtes se touchèrent. Ce fut une sorte de décharge électrique qui passa entre nous. Nos visages proches l'un de l'autre à se toucher, il prit ma main et m'embrassa. Je me sentis rougir. Raidi, tout mon corps hésitait entre la fuite et l'abandon. Je lui rendis son baiser. Nous passèrent le reste de l'après-midi dans le foin de la bergerie puis retournèrent nous baigner pour nous laver, jouant sous l'eau du torrent en criant comme des enfants. J'étais Jim, il était Bob. Je venais de découvrir le roman de Gore Vidal, Le garçon près de la rivière dans la bibliothèque de la maison. Le roman m'avait fasciné mais je ne me doutais pas que ma découverte du plaisir se ferait presque de la même manière, près d'une rivière, avec un garçon du même âge que moi, bien fait, sportif, normal. Tout pareil à moi.
Nos corps collés l'un contre l'autre, riant des chatouilles de la paille sèche, mêlant nos bouches et nos jambes, unis dans un même élan comme deux lutteurs cherchant à vaincre l'autre tout en le ménageant, nous jouèrent ainsi longtemps. Lorsque nous nous séparèrent, Ladislas prononça la même phrase que le Bob du roman de Vidal "C'est du joli !", en allumant une cigarette. et il éclata de rire. Je me mis à rire avec lui. Le corps que je contemplais ressemblait au mien. Même musculature de nageur, même courbes douces et même absence de poils. Il avait une petit cicatrice sur le côté de l'abdomen et sa poitrine était couverte de tâches de rousseur. Comme lui, j'étais bronzé par des journées entières passées à la plage. Comme lui j'aimais le surf et la voile. Nous étions décidément bien semblables. Cette première fois m'apporta mille fois plus que les séances de plaisir solitaire sous la douche ou dans le secret de ma chambre. L'objet de mon désir et le responsable de mon plaisir avait un nom, une apparence. il était réel, je pouvais le toucher, l'embrasser, le mordre. Et notre plaisir avait éclaté au même moment, dans un extraordinaire feu d'artifice qui me donna l'impression que mon corps, ma tête éclataient.
Ladislas voulait être poète. Il vivait à Paris et passait ses vacances dans la maison de sa famille, à l'entrée du village en contre-bas. Il entrait en terminale à Henri IV, et moi à Bordeaux, dans un collège religieux que fréquenta Mauriac. Nous nous sommes écrits parfois, je l'ai revu l'été suivant, puis nous nous sommes perdus de vue. Notre rencontre changea totalement mes perspectives. Je n'avais plus besoin de m'inquiéter de mon indifférence vis à vis des filles quand j'allais à une soirée. Je trouvais les filles belles et je savais qu'un jour je me marierai pour faire comme tout le monde et que j'aurai des enfants qui reprendraient après moi les vignobles familiales.
Pourtant, contrairement à mes frères et à mes cousins, aucune de ces demoiselles ne me troublait vraiment. pas une ne m'empêchait de dormir. Pas une ne revenait me tenter dans mes rêves humides d'adolescent. J'aimais mieux les garçons et les garçons que j'aimais étaient d'autres moi-même, jeunes, virils, normaux, propres sur eux, musclés et sportifs, intellectuels et bien élevés. Narcisse ne cherchait jamais que son double, en tout point semblable à l'image qu'il avait de lui même ou mieux que lui, proche de la perfection à laquelle sa présomption de jeune seigneur lui faisait tendre. La rencontre avec Ladislas m'évita bien des errements, des doutes et des conflits intérieurs. Je savais aussi que je n'aurai jamais besoin d'en parler. Ou plutôt que je ressentirai jamais le besoin d'en parler aux miens. Amis, famille, personne n'était concerné par mes attirances, mes choix, mes désirs. Je traversai ainsi l'adolescence sans inquiétude, sans remords, sans hésitation ni doute.
Des années après, ce souvenir reste doux à mon cœur. J'ai eu de nombreux amants, quelques maîtresses et la vie que je mène à présent ici dans ce quartier de New York où je ne pensais séjourner que deux ou trois ans, me comble totalement. Le garçon avec qui je vis n'est ni ma femme ni mon mari. C'est le compagnon de mes jours, l'ami, l'amant, le frère. Il est plus jeune que moi mais que sont deux années de différence quand on s'aime. Il termine ses études qu'il a choisi longues - et aussi parce que ses compétences sportives font de lui un élément de choix pour son université - et sa famille nous accepte depuis le premier jour, tout républicaine et conservatrice soit-elle. La mienne a fait de même, avec un peu plus de difficulté. Surtout parce que notre réussite, notre allure, notre bonheur remettaient en question l'image qu'avaient les miens - pourtant habitués aux excentricités et à la différence - de l'homosexualité. Si ma mère pense encore qu'un jour je ressentirai l'impérieux besoin de créer une famille en ayant des enfants, elle est fière de son fils et aime sincèrement celui avec qui il a choisi de vivre. Tableau idyllique ou romancé ? Pas vraiment. Chance ? Absolument.
Lui aussi connaissait la petite chapelle en surplomb. Lui aussi savait comment ouvrir la vieille porte de chêne. Il régnait à l'intérieur une atmosphère paisible. Sur l'autel de pierre, un bouquet fané répandait une odeur un peu aigre que je crois sentir encore lorsque j'évoque, quinze après, cette fameuse journée. La vue depuis la petite ouverture attira nos regards. Nous rapprochant tous deux en même temps, nos têtes se touchèrent. Ce fut une sorte de décharge électrique qui passa entre nous. Nos visages proches l'un de l'autre à se toucher, il prit ma main et m'embrassa. Je me sentis rougir. Raidi, tout mon corps hésitait entre la fuite et l'abandon. Je lui rendis son baiser. Nous passèrent le reste de l'après-midi dans le foin de la bergerie puis retournèrent nous baigner pour nous laver, jouant sous l'eau du torrent en criant comme des enfants. J'étais Jim, il était Bob. Je venais de découvrir le roman de Gore Vidal, Le garçon près de la rivière dans la bibliothèque de la maison. Le roman m'avait fasciné mais je ne me doutais pas que ma découverte du plaisir se ferait presque de la même manière, près d'une rivière, avec un garçon du même âge que moi, bien fait, sportif, normal. Tout pareil à moi.
Nos corps collés l'un contre l'autre, riant des chatouilles de la paille sèche, mêlant nos bouches et nos jambes, unis dans un même élan comme deux lutteurs cherchant à vaincre l'autre tout en le ménageant, nous jouèrent ainsi longtemps. Lorsque nous nous séparèrent, Ladislas prononça la même phrase que le Bob du roman de Vidal "C'est du joli !", en allumant une cigarette. et il éclata de rire. Je me mis à rire avec lui. Le corps que je contemplais ressemblait au mien. Même musculature de nageur, même courbes douces et même absence de poils. Il avait une petit cicatrice sur le côté de l'abdomen et sa poitrine était couverte de tâches de rousseur. Comme lui, j'étais bronzé par des journées entières passées à la plage. Comme lui j'aimais le surf et la voile. Nous étions décidément bien semblables. Cette première fois m'apporta mille fois plus que les séances de plaisir solitaire sous la douche ou dans le secret de ma chambre. L'objet de mon désir et le responsable de mon plaisir avait un nom, une apparence. il était réel, je pouvais le toucher, l'embrasser, le mordre. Et notre plaisir avait éclaté au même moment, dans un extraordinaire feu d'artifice qui me donna l'impression que mon corps, ma tête éclataient.
Ladislas voulait être poète. Il vivait à Paris et passait ses vacances dans la maison de sa famille, à l'entrée du village en contre-bas. Il entrait en terminale à Henri IV, et moi à Bordeaux, dans un collège religieux que fréquenta Mauriac. Nous nous sommes écrits parfois, je l'ai revu l'été suivant, puis nous nous sommes perdus de vue. Notre rencontre changea totalement mes perspectives. Je n'avais plus besoin de m'inquiéter de mon indifférence vis à vis des filles quand j'allais à une soirée. Je trouvais les filles belles et je savais qu'un jour je me marierai pour faire comme tout le monde et que j'aurai des enfants qui reprendraient après moi les vignobles familiales.
Pourtant, contrairement à mes frères et à mes cousins, aucune de ces demoiselles ne me troublait vraiment. pas une ne m'empêchait de dormir. Pas une ne revenait me tenter dans mes rêves humides d'adolescent. J'aimais mieux les garçons et les garçons que j'aimais étaient d'autres moi-même, jeunes, virils, normaux, propres sur eux, musclés et sportifs, intellectuels et bien élevés. Narcisse ne cherchait jamais que son double, en tout point semblable à l'image qu'il avait de lui même ou mieux que lui, proche de la perfection à laquelle sa présomption de jeune seigneur lui faisait tendre. La rencontre avec Ladislas m'évita bien des errements, des doutes et des conflits intérieurs. Je savais aussi que je n'aurai jamais besoin d'en parler. Ou plutôt que je ressentirai jamais le besoin d'en parler aux miens. Amis, famille, personne n'était concerné par mes attirances, mes choix, mes désirs. Je traversai ainsi l'adolescence sans inquiétude, sans remords, sans hésitation ni doute.
Des années après, ce souvenir reste doux à mon cœur. J'ai eu de nombreux amants, quelques maîtresses et la vie que je mène à présent ici dans ce quartier de New York où je ne pensais séjourner que deux ou trois ans, me comble totalement. Le garçon avec qui je vis n'est ni ma femme ni mon mari. C'est le compagnon de mes jours, l'ami, l'amant, le frère. Il est plus jeune que moi mais que sont deux années de différence quand on s'aime. Il termine ses études qu'il a choisi longues - et aussi parce que ses compétences sportives font de lui un élément de choix pour son université - et sa famille nous accepte depuis le premier jour, tout républicaine et conservatrice soit-elle. La mienne a fait de même, avec un peu plus de difficulté. Surtout parce que notre réussite, notre allure, notre bonheur remettaient en question l'image qu'avaient les miens - pourtant habitués aux excentricités et à la différence - de l'homosexualité. Si ma mère pense encore qu'un jour je ressentirai l'impérieux besoin de créer une famille en ayant des enfants, elle est fière de son fils et aime sincèrement celui avec qui il a choisi de vivre. Tableau idyllique ou romancé ? Pas vraiment. Chance ? Absolument.
Cette rencontre dans un chemin de montagne, dans les Pyrénées il y a près de vingt ans décida finalement de ma vie en m'aidant à me déterminer. Elle me renforça dans mon désir d'indépendance et prépara le terrain de ma vie d'adulte. Je lui dois mes premiers vrais émois. Je n'oublierai jamais l'odeur de sa peau, sa douceur, ses longs cils et la puissance, la force de notre union. Notre plaisir fut simple et frustre mais tellement belle. Après, comme dans le livre de Vidal, je me souviens que nous sommes allés nous laver dans l'eau du torrent. Elle était fraîche et douce sur nos corps couverts de sueur. Ladislas était beau, sa peau lisse comme la mienne avait un goût sucré. Nous avons comparé la force de nos bras, la dureté de nos abdos et la vigueur des nos poitrines. Il était moins hâlé que moi et une fine ligne de poils bruns couraient de son sexe à son nombril.
Sur le chemin du retour, comme ce matin, les lignes du roman de l'américain me revinrent en mémoire :
Sur le chemin du retour, comme ce matin, les lignes du roman de l'américain me revinrent en mémoire :
"Nous nous sommes conduits comme des gosses.
- Oui, dit Jim. mais j'ai aimé." Il se sentait plein de courage maintenant que son rêve s'était réalisé. "Pas toi ?"
Bob fronça les sourcils en regardant le feu. "Ben... Ce n'est pas la même choses qu'avec une fille. mais il me semble que c'est mal.
- Je ne vois pas pourquoi.
- Eh bien, les garçons ne sont pas censés faire ça entre eux. ce n'est pas naturel.
- Sans doute." Jim jeta un coup d'oeil sur le corps long, musclé de Bob qu'éclairait la flamme, puis, animé d'un courage nouveau, il l'attira à lui en le prenant à la taille. Excités de nouveau, ils roulèrent sur la couverture.
9 commentaires:
Quelle belle histoire. L'empereur non seulement écrit bien mais ce qu'il écrit est très touchant !
Bonjour, j'aime beaucoup tes textes. Très belle histoire, quelle chance d'avoir eu une telle révélation !
je découvre ce blog grace à estef...c'est très beau...j'ai ressenti beaucoup de ce que tu écris...je vais partir à la découverte de ton blog prometteur
Merci nouveaux lecteurs, n'hésitez pas à commenter. J'ai moins l'impression d'écrire dans le vide !
Alors j'y reviens...
J'ai pensé ces derniers jours à ces torrents pyrénéens, qui sont une part de mon quotidien, et à ce beau récit.
Les bords des eaux, où les corps se dénudent, sont propices aux révélations.
J'étais alors jeune pubère inconscient de certaines choses. Je venais de comprendre à peine quelles étaient ces humeurs visqueuses qui s'échappaient de moi vers la fin de la nuit. Je n'avais même pas su trouver le plaisir de les faire jaillir...
Le prince s'avançait dans la nuit entre les arbres, attiré par le bruit de l'eau. Le jeune homme s'élançait nu dans le lac. Je crois bien que ce fut le premier homme que je voyais ainsi. Le prince était sorti du bois et interpellait son serviteur. Il était penaud,les mains sur son sexe. Ma respiration s'était tue. Mes parents devaient déjà somnoler dans leur fauteuil. Je ne sais plus si mon corps avait réagit mais mon esprit était en éveil, je venais de comprendre une chose profonde, à peine suggérée par ces images sombres. Pour ce jour là, je n'ai pas de souvenir précis de la séquence lascive quand le roi parcours la salle où les couples d'hommes paraissent après l'amour. Peut-être était elle censurée dans cette première version télévisuelle.
Ce fut ma révélation. Ludwig m'a hanté souvent et malheureusement je dois dire, car le sujet était trop difficile pour cet homme pétrit par la religion et sa responsabilité. Il le fut donc aussi pour moi.
Par la suite, l'affiche fut longtemps sur le mur de ma chambre. Je ne pense pas que grand monde ait compris ce qu'elle représentait au delà d'un film magnifique.
Je réalise aujourd'hui, en écrivant ces lignes, que mon premier homme, sans avoir le physique d'Helmut Berger, portait cette belle barbe brune et bouclée.
Je réalise un peu plus tard dans la journée que 20 ans après, celui qui m'a réellement éveillé au monde des hommes portait aussi cette jolie barbe, et même le physique d'Helmut-Ludwig.
Du rêve à la réalité donc... et au plaisir. Merci pour ces commentaires et cette confession.
Très beau, merci à vous de me faire partager cette belle rencontre.
ANTINOÜS
(Monologue d’Hadrien)
Nous parlions entre amis, en évoquant Caton
Et Socrate et Sophocle, de leurs textes abscons
Soudain, comme une fleur au milieu du désert
Antinoüs parut dans un rai de lumière
Je le vois, il est là, assis prés du bassin
Vêtu d’une courte étoffe nouée autour des reins
Avec le bout du pied, dérangeant les lotus
Il fait des ronds dans l’eau sans égard pour nos muses
Tout l’Olympe a bénit le jour de sa naissance
Je le sens fait pour moi, je mesure ma chance
Il n’est pas attentif à nos savants propos
Mais sa beauté éclipse tout l’éclat de nos mots
Ganymède, par Zeus-Aigle un jour fût enlevé
Comme lui sur des ailes, je me sens transporté
Le visage éclairé de l’éphèbe qui sourit
Eclaire et embelli le monde autour de lui
J’ai connu tant d’amants et j’ai eu tant d’amis
Des tourments de l’amour je me croyais guérit
Soudain en un moment défiant la raison
Je tombais amoureux de ce jeune garçon.
La soirée terminée, j’ai pu le rencontrer
A ce Prince Bithynien j’ai longuement parlé
De sa voix rauque et chaude il m’a simplement dit
« J’ai vu tes yeux sur moi ; seras- tu mon ami ? »
Il embauma ma vie, je l’aimais et sans cesse
Son beau corps de félin réclamait mes caresses
Je ne le quittais plus jusqu’à ce jour maudit
Où le Nil l’emporta me laissant dans la nuit
Aujourd’hui, où je suis à l’hiver de ma vie
Son sourire et ses yeux reviennent à ma mémoire
Il a été l’Elu. Plus personne après lui
Ne fût digne avec moi de rester dans l’Histoire
Hadrian
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