Hors
les murs est aussi fascinant qu'irritant et dérangeant :
la brutalité de certains effets dramatiques sur lesquels le cinéaste a choisi de s’appesantir comme un voyeur, la
maladresse avec laquelle le personnage de la petite amie de Paulo est
dessiné, l'absence des autres dans la vie de ces deux paumés.
On peut s'interroger aussi sur ce qu'ils sont vraiment. Est-ce
l'amour fou, le coup de foudre qui les a réuni et rend le
reste de l'univers transparent parce que ces deux s'aiment tellement
fort ? leur relation se fait tellement exclusive que plus rien
d'autre n'existe et ne peut exister, vouant les deux garçons
au drame inexorablement. Une vision romantique d'un amour voué
à la mort ? Le monde ne pardonne pas à ceux qui
l'ignorent et s'en passent parce qu'ils vivent leur propre univers...
Mais cela importe peu au final, tant l'expression des sentiments et
des pulsions est violente au point de nous saisir comme si nous les
vivions personnellement.
Deux
autres acteurs n’auraient sûrement pas apporté la même
force à ce film dérangeant et attachant. Les deux
protagonistes ont un jeu intense. Matila Malliarakis (Paulo)
qui parvient à être à la fois énervant
et touchant, jeune animal efféminé blessé par on
ne sait quoi, cherchant un nid, et Guillaume Gouix (Ilir),
très beau en protecteur fort et fébrile, qui commence
le film en joyeux compagnon hédoniste et dévoile peu à peu des abîmes de peur et de violence. Jamais rien
d'univoque dans leurs personnages, et leur attitude, leur
comportement - leur apparence physique aussi - fluctuent tout au long
du de l’histoire. Ils s'engagent, sans pudeur ni crainte, dans les
contradictions insupportables de leurs personnages. Au fil des
séquences, on s'aperçoit que les deux amants partagent
un certain attrait pour la souffrance, l'un en fait un jeu, l'autre
sa vie. C'est dérangeant parfois, mais on est captivé,
ému et attentif à tous leurs mouvements, même
dans ces moments-là.
L'émotion n'est jamais tronquée, édulcorée et cela fait du bien face à beaucoup de films qui étouffent à force d'être trop en retenue, les corps qu’il filme sont vivants, leur amour est bruyant, bancal, mouvant et lorsque, à la fin, après le départ de Paulo transformé par ses choix de vie, Ilir pleure sur le balcon de l'hôtel de luxe où ils se sont aimés une dernière fois, on ressent tout ce qu'il ressent. Il sait que leur amour est mort et qu'il est de nouveau seul... et on a envie de pleurer avec lui. Mais les meilleures scènes de Hors les murs sont sans conteste les visites de Paulo à Ilir en prison. L'oiseau blessé entre de plain-pied dans la réalité et celle-ci n'est déjà plus celle de son ami, ni celle de leur couple. Dans un face-à-face à haute tension, qui hésite entre plan cul empêché, fragments de discours amoureux cabossé et petits trafics pour faire passer un peu de shit à la barbe des gardiens, le film prend une incroyable densité.
« David
Lambert n'a pas pour autant voulu provoquer, transgresser. . Hors
les murs est
l'autopsie d'une liaison vouée à la dissolution, si
elle se distingue des autres c'est par l'honnêteté de la
mise en scène, par la sympathie que suscitent finalement ces
deux gamins qui apprennent ensemble à vivre, même si la
première des leçons que la vie leur administre est
qu'ils ne peuvent pas vivre ensemble. » (Le
Monde)
1 commentaire:
un film qui nous avait beaucoup plu. Fascinant, dérangeant. Notre avis sur notre blog ! bon we.
http://fromtheavenue.blogspot.fr/2013/01/hors-les-murs-de-david-lambert-2012.html
Enregistrer un commentaire