Nous avons fini la soirée tous ensemble. Tu étais attablé avec tes amis quand nous sommes arrivés. Second regard, fort, profond, plein de sens. Devant toi un livre était posé. Un recueil de poésie de Frank O'Hara que je venais de découvrir. Vous étiez tous de futurs architectes, avocats, linguistes ou journalistes. J'avais terminé Sciences-Po en France, fait du droit dans la même université et tâté un peu de l'écriture, toujours à Columbia. Pourtant j'avais un peu dévié. Mal tourné me diras-tu un jour où nous étions nous disputés. J'étais en train de devenir banquier d'affaires.
Tu t'acheminais avec détermination vers ton PhD de philosophie et de littérature. Combien de goûts communs, d'idées semblables et d'envies similaires. Tu étais mon cadet de quelques années. Sept ans exactement. Je ne voyais plus que toi, je n'entendais plus que toi. Tu allais devenir mon petit frère, mon âme sœur, le compagnon de mes bons et de mes mauvais jours. Tout en moi le pressentait. Nous avons longtemps parlé ce soir-là. La nuit est vite passée et ce n'est qu'à l'aube du second jour que nous nous sommes embrassés, comme deux jeunes adolescents timides...
C'était, te rends-tu compte, il y quatorze ans déjà...
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