Cinq journées complètes à Tivoli Bays, dans une maison charmante où nous avions déjà fêté Thanksgiving il y a trois ou quatre ans, plusieurs livres à lire, le chien ravi de quitter la ville, le chat ravi aussi de garder l'appartement et David et moi pour un weekend prolongé dans un paysage merveilleux, le silence et l'air pur... Parmi les livres, "Le héros et les autres" d'un certain Antonin Crenn, un écrivain français pas assez connu mais dont j'aime tous les textes et dont je viens de découvrir le site (https://antonincrenn.com). L'envie après la lecture d'un de ces billets joliment illustré de donner la parole à Hadrien puisque notre lieu de villégiature sans avoir la splendeur et le luxe de celle qu'aimait l'empereur, en porte le nom, Tivoli... Cela ne suffit-il pas pour justifier ce billet ? Et puis comme il pleut et qu'à côté de l'endroit où j'écris, un joli feu crépite dans la cheminée, allumé en deux minutes par David, Chef-Scout émérite et habile !
Il est une fable dont j'avais perdu la mémoire qui m'aurait fait nommé La Fontaine, poète officiel, faisant bien vite de lui un des favoris de la cour impériale. J'imagine notre bon Jean pensionné par mes soins, invité comme je le fis d'autres artistes, musiciens, comédiens, poètes, à Tivoli, dans ma merveilleuse villa près de Rome, aux pieds du Mont Tibur, une de mes plus agréables demeures, que le monde entier venait visiter et que le monde entier admirait...
Vouloir tromper le ciel, c’est folie à la terre ;
Le dédale des cœurs en ses détours n’enserre
Rien qui ne soit d’abord éclairé par les Dieux.
Tout ce que l’homme fait, il le fait à leurs yeux
Même les actions que dans l’ombre il croit faire.
Un païen qui sentait quelque peu le fagot,
Et qui croyait en Dieu, pour user de ce mot,
Par bénéfice d’inventaire,
Alla consulter Apollon.
Dès qu’il fut en son sanctuaire :
« Ce que je tiens, dit-il, est-il en vie ou non ? »
Il tenait un moineau, dit-on,
Prêt d’étouffer la pauvre bête,
Ou de la lâcher aussitôt,
Pour mettre Apollon en défaut.
Apollon reconnut ce qu’il avait en tête :
« Mort ou vif, lui dit-il, montre-moi ton moineau,
Et ne me tends plus de panneau ;
Tu te trouverais mal d’un pareil stratagème.
Je vois de loin, j’atteins de même. »
Le dédale des cœurs en ses détours n’enserre
Rien qui ne soit d’abord éclairé par les Dieux.
Tout ce que l’homme fait, il le fait à leurs yeux
Même les actions que dans l’ombre il croit faire.
Un païen qui sentait quelque peu le fagot,
Et qui croyait en Dieu, pour user de ce mot,
Par bénéfice d’inventaire,
Alla consulter Apollon.
Dès qu’il fut en son sanctuaire :
« Ce que je tiens, dit-il, est-il en vie ou non ? »
Il tenait un moineau, dit-on,
Prêt d’étouffer la pauvre bête,
Ou de la lâcher aussitôt,
Pour mettre Apollon en défaut.
Apollon reconnut ce qu’il avait en tête :
« Mort ou vif, lui dit-il, montre-moi ton moineau,
Et ne me tends plus de panneau ;
Tu te trouverais mal d’un pareil stratagème.
Je vois de loin, j’atteins de même. »
Antinoüs le bithynien aurait aimé ces vers et les aurait chanté pour moi comme seul il savait le faire. Je repense à ce bas-relief que j'avais fait installé sur la paroi de ma chambre, en face de mon lit dans cette villa où il ne vécut jamais, mais où j'ai toujours senti la présence aimante de son âme apaisée. Je l'avais fait réaliser dans le plus pur des marbres d'Italie, prenant soin que les sculpteurs en creuse l'intérieur au maximum pour, sans fragiliser l’œuvre, permette de la transporter facilement. J'aimais voyager avec les pièces préférées de mes collections et les portraits de l'Aimé me suivaient partout.
Mais combien ce temps est loin, où l'éphèbe possédait un cerveau bien rempli, un cœur vaillant et noble, une âme charitable et dévouée aux dieux, à l'empereur, aux lares et à Rome comme de loyaux servants de la Loi, autant que de la Beauté et de l'Amour. Remplacés aujourd'hui par des ignorants et des barbares, ils ne savent plus goûter aux saveurs des mots ni aux délices de l'amitié virile. Mes légions étaient fières et partout surent vaincre pour Rome. Tous sont affadis aujourd'hui, efféminés pour la plupart, toujours envieux ou jaloux les uns des autres, paresseux et ignorants, Pas un n'est sincère dans son service. Je me réjouis que l'Aimé ait quitté cette terre avant que de subir à son tour les remugles de la décadence et l'invasion des barbares dans les esprits comme dans nos villes...
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