Dans les forêts du Parnasse, le héros parfois rencontre son âme. Difficile à chaque fois de savoir s'il s'agit de la sienne, ou d'une ruse des démons. ils prennent figure humaine mais empruntent aux dieux une beauté impossible que le regard du mortel n'est pas en mesure de supporter. Sauf s'il est déjà, par sa beauté et sa pureté, l'égal des dieux qu'il porte dans ses rêves depuis toujours. L'enfant qu'il était, sensible dès avant le gymnase aux formes des filles autant qu'à celui des garçons, préféra vite ces derniers, ses semblables, dont il lisait le désir, identique au sien puisqu'il en ressentait les effets sur la part de sa chair qui se dressait souvent, sans qu'il puisse la contenir ni la réfréner, sous les douches, pendant la lutte ou la course. Dans les nuits jaunes de son adolescence, son jeune corps affamé rêvait indifféremment des belles esclaves nubiennes de son âge qu'il voyait derrière les tentures du gynécée. Il désirait que l'une d'entre elles, la plus jolie, la plus gracieuse le rejoigne dans sa couche et chevauche sa jeune et ardente virilité. La souillure des draps au réveil l'encombrait mais la douche aussitôt ravivait son désir et l'ami du gymnase qui partageait avec lui les ablutions matutinales réveillait sa faim et leur membre dressé bien vite devint l'instrument de leur joie, à peine cachée aux autres. Ils en tirèrent longtemps une musique suave et délicieuse. Le voilà plus mûr, familier des bordels où les esclaves reçoivent pour quelques pièces les éphèbes nantis par la nature, à la virilité fougueuse mais hésitante encore qui repose les filles de la vigueur distraite des soldats et des manoeuvres et les pères des garçons. Il aime le plaisir, tout en lui le réclame chaque jour et parfois plusieurs fois avant que le soleil ne se couche. Mais les jeux entres garçons, les combats amoureux, les longs échanges avec son amant, l'explosion joyeuse de leur plaisir valent mieux que les jouissances tarifées des filles routinières des auberges du port. Il recherche désormais la compagnie des jeunes dieux du Parnasse. Il désire Appolon quand il avait son âge, et Marsyas adolescent qui chante à ses oreilles quand son désir se dresse. Pas les dieux au sommet de leur force et de leur maturité. Il n'y a jamais voulu goûter et jamais ne le fera. Le garçon oui, identique à lui-même toujours, jamais l'homme.
Il arpente les bois, furète dans les grottes, évitant les satyres et les faunes travestis en éphèbe. Non achevé il cherche ceux qui comme lui ne sont pas finis. Le corps des hommes mûris par la vie, le temps, les guerres et les trahisons, bien qu'admirable de force et de vigueur, le laisse indifférent ; le dégoûte même parfois. Il ne s'étendra jamais sur la couche de Jupiter ou de Priape. Il s'en est fait le serment à sa première extase avec l'Ami, le frère, le compagnon, Alexis, plus grand que lui, aussi blond qu'il est brun, plus fort aussi, toujours vainqueur au pugilat, à la lutte, à la nage comme à la course mais qui parfois le laissait gagner pour montre combien il l'aimait. Ils avaient quinze ans.
Leur plaisir s'amplifia d'année en année et à vingt ans, après une campagne avec Achille où le sang coula le jour autant que le lait de l'amour la nuit, la veille du jour où Alexis tomba le flanc percé par une lance parthe, il jura en baisant le visage mouillé de larmes et souillé de terre et de sang de son ami, que jamais il ne chercherait le plaisir dans des plus vieux que lui. Le héros aujourd'hui est devenu un homme. Ses fonctions dans la Cité, sa vaillance à combattre, les lois qu'il fit voter pour la xx de la Cité, en font un des sages dignes de la curule suprême. Il n'a jamais pris épouse. Des esclaves nubiennes lui ont donné des enfants quand il était très jeune et dont peu survivent. Il eut des amants, tous issus du Gymnase, fils de princes et de sénateurs, jamais courtisans, tous amoureux transis du Héros mais qui jamais n'avaient plus de vingt ans.
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