Une cheville foulée. Mise à pied imprévue ( le jeu de mots était facile) qui m'oblige à rester chez moi quelques jours. Tant mieux. plus très envie de me coltiner les collègues et les patrons de la compagnie où je suis senior consultant. Le monde de la finance est sacrément secoué et c'est tant mieux. Après tout, faire de l'argent avec de l'argent, sans mouiller sa chemise - hormis les moments de stress où les paris sont aléatoires et les montants en jeu apparaissent soudain colossaux, de quoi faire transpirer les plus endurcis d'entre nous. Je me sens de plus en plus solidaire de ces gens qui arpentent Wall Street avec leurs pancartes et leur indignation. Mais ce post n'a pas pour but de relayer les débats politico-éthiques du moment. Quitte à paraître foncièrement égoïste, je compte bien profiter de mes vacances forcées pour écrire, lire, visionner des films, cuisiner et aider David dans ses travaux universitaires. Il croule sous les piles de documents et le nouvel Apple que nous avons acheté va bientôt ronfler comme une chaudière en surchauffe. Se réveiller tôt le matin, comme à l'accoutumée, mais savoir qu'on peut rester au lit et prendre le temps de se retrouver. Douceur de son corps, le grain de sa peau, la vigueur de ses muscles.
Je ne suis pas un partisan de la Saint Valentin, bêtise commerciale inventée par ce système qui pousse à la consommation compulsive au nom du dieu Dollar, cependant la journée passée tous les deux, douce parenthèse dans notre quotidien bien occupé d'habitude, fut un délice. Faire l'amour avec celui qu'on aime, s'endormir dans les bras l'un de l'autre, assouvis et heureux, puis recommencer, avec tendresse ou avec fougue... Qui refuserait un arrêt-maladie dans ces circonstances ? Ravi d'avoir glissé sur cette dalle mal scellée. Comme Haddock à Moulinsart (j'étais à Cloisters avec Mark, David et Ben). Retour en taxi, deux heures à la clinique près de chez nous. Le médecin un peu précieux et rigolard qui louchait sur Ben. L'infirmière noire qui sifflotait en poussant ma chaise roulante. Des images de film.
Programme de ma deuxième journée ? Non, pas que du batifolage les gars ! David est à la bibliothèque. Les autres ont repris le chemin de leurs collèges respectifs. Je vais préparer un cake au jambon et des scones, regarder un vieux film des années 50, ranger la bibliothèque de mon bureau (les rayonnages à porte, je ne vais pas tenter de grimper à un escabeau avec mon pied handicapé !). Brinkley dort près du canapé, prêt à bondir si nous sortions. Il n'a pas tout à fait sais que je suis relativement immobilisé. Le chat lui, d'un œil, a bien jaugé la situation et ne quitte pas notre lit. Cette après-midi, David travaillera ici. J'aime quand nous sommes tous les deux, comme un dimanche, l'un à côté de l'autre sur le canapé ou bien lui à son bureau et moi sur le grand fauteuil anglais près de la fenêtre. Billie Holiday ou des suites de Bach. Le thé fumant sur le plateau avec les biscuits et les cookies. Puis en début de soirée, le délice d'une bouteille de vin de paille ou de Moscato d'Alba achetés chez le caviste de Hudson Street dans nos verres géants (tout est XXL dans ce pays) en regardant Affreux Sales et Méchants, ce film italien complètement déjanté des années 70 ou en dînant aux chandelles avec le garçon que j'aime, en tête-à-tête ou avec ses frères. Ce qui m'ennuie c'est que je ne pourrais pas prendre de bain avant qu'on m'enlève ce plâtre... J'en suis réduit à me doucher... assis. Comme un vieillard cacochyme !J'aime bien les jours d'hiver...