Poignant, édifiant et magnifique, pendant 90 minutes on se promène dans la vie de l'acteur qui a vu alors qu'il ne souhaitait même pas participer au casting organisé pour le prince cinéaste, sa vie bouleversée. Le spectateur est avec lui tout le temps, des images connues ("Searching for Tadzio", 1970) mais longtemps oubliées de la rencontre entre le jeune éphèbe timide et le maître adulé, ces images presque répugnantes, où Visconti et son équipe font défiler des dizaines de garçons comme des maquignons au foirail passent en revue le bétail. Les commentaires du réalisateur : "il est très grand", "il est très beau", "qu'il se déshabille", qu'il soit filmé de très près", "dis-lui de sourire"... Et l'adolescent s'exécute, surmontant sa gêne et son ennui et quand il lui faut sourire, son sourire est une explosion solaire, tout son visage s'éclaire, ses yeux brillent.
Peu à peu Bjorn, aujourd'hui largement sexagénaire, parle de ce maelström qui emporta son enfance, emposiuonne sa jeunesse sans jamais le soumettre, même quand de riches intellos amateurs de garçons le firent venir à Paris, l'installant dans un superbe appartement avec 500 francs par semaine d'argent de poche, sous le prétexte de le faire tourne rdans un film dont il serait la vedette et qui ne se fit jamais, quand le Japon l'accueillit comme les Beatles quelques années plus tôt, dans une hystérie qu'il ne juge pas mais qui l'ébranla. on découvre les chansons populaires qu'on lui fit enregistrer, les publicités dans lesquelles il apparaissait. Il semble avoir traversé tout cela sans faillir. les traits marqués pourtant portent les stigmates de bien des souffrances.
Icône du monde homosexuel, inspiration originelle des mangas dans lequel on retrouve toujours son allure dégingandée, ses longs cheveux et son visage d'ange qui rendit folles les filles japonaises et tout autant les garçons. On a beau être éffaré par tout ce que le jeune homme, puis l'homme mûr aura vécu, on ressent tout de suite beaucoup d'empathie pour lui. Rien à voir avec l'abjecte évolution d'helmut Berger, lui aussi "démoli" par ce que Visconti fit de lui. Seul Alain Delon, naturellement roué, échappa à la loi commune des garçons ayant approché le grand génie du cinéma italien...
On le voit du temps de son mariage, on apprend que sa mère, poète, artiste, dilettante, égérie de Dior disparut fut retrouvée morte quelques années après, qu'il ne sait toujours pas qui était son père, que sa grand-mère le poussait à devenir quelqu'un, à répondre présent à toutes les sollicitations qui pourraient asseoir sa célébrité et faire sa fortune.
Marié, père d'une petite fille, Robin, puis d'un petit garçon, elvin qui mourut à deux mois, de la mort subite des nourrissons, juste à côté de son père qui dormait. Sa longue dépression ensuite, s'accusant de n'avoir pas été assez présent pour son fils. Il lâche très ému qu'il ne s'en est jamais remis. Devant ce flot de confessions, cette vie racontée avec simplicité, sans aucune affectation, la caméra n'est jamais intrusive évitant au spectateur de se sentir voyeur. Le montage, dynamique sait faire la part, aux lenteurs nécessaires, aux silences et reste toujours dans la pudeur. Et c'est captivant parce que tellement vrai, tellement parlant. Et poignant, vraiment.
Poignant mais rempli d'optimisme aussi. on le voit aux prises à sa propriétaire qui lui reproche l'éétat de son appartement, les dangers qu'il fait courir aux voisins avec le gaz toujours allumé, la graisse qui s'étale autour de sa cuisinière. on le voit aussi ensuite avec sa compagne venue l'aider, toute remettre en état et faire briller ce qui quelques images plus tôt était sordide... On le suit lors de ses voyages, et à la fin sur le site du tournage, dans les salons abandonnés de l'Hôtel des Bains que Visconti redécora presqu'entièrement, sur la plage aussi et les dernières images sont poignantes. les gros plans sur son visage raviné, ses yeux plein de vie et d'énergie, mais aussi ce vague à l'âme que Visconti utilisa à la perfection, traduisant avec maestria, les humeurs et les sentiments ambigus de l'adolescence, tout ce qui fit vibrer le vieux professeur Ashenbach et lui brisa le coeur, au sens propre, sur cette même plage. Le regard égaré de Bjorn Andresen semble traduite à ce moment-là, plus que de la nostalgie ou du regret, l'aveu d'une ambiguïté profonde que ses sourires depuis le premier jour dévoilaient. Comme si une part de lui-même regrettait de n'avoir pas cédé à ces garçons, à ces messieurs et d'avoir peut-être manquer toute sa vie une forme d'amour qui l'eût vraiment comblé...
Mais ce qui est réjouissant et fait l'émotion qu'on ressent à regarder ce documentaire, c'est cette impression plus forte que tout, d'une résurrection. L'acteur-icône s'est réconcilié avec son passé et tous les deuils qu'il n'avait pas fait, en les nommant, en remettant ses pas sur les lieux de ses souffrances (il le souligne lui-même avec des mots simples et vrais, quand défilent les images de la première à Londres en présence de la reine et de la princesse Anne, ou bien à Cannes lors de la conbférence de presse ou Visconti parle à sa place et parle de lui avec la morgue du génie qui se fit Pygmalion diabolique. Il fait sagement ce qu'on lui dit, suit ou devance Visconti, le visage contris, les traits crispés : "j'étais terrifié et affolé". On le voit à un moment du film, tandis que Viconti badine deban,t la presse, seul au milieu de tous ces adultes qui le badent comme les japonais au Louvre devant la Joconde...
et enfin le trailer :